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Compte-rendu : Jean-Claude Casadesus dirige la Fantastique et Lélio - Anniversaire berliozien
Les orchestres régionaux français ont beaucoup évolué depuis quelques années. S’agissant de celui de Lille c’est d’une véritable métamorphose qu’il faut parler grâce au considérable apport de sang neuf dont la formation a bénéficié du fait du départ à la retraite d’une part importante de ses membres. On ne saurait imaginer meilleur révélateur de la santé d’un orchestre que Berlioz ; c’est à lui que Jean-Claude Casadesus a fait appel pour une série de trois concerts amorcée au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles le 5 décembre et qui se terminait le surlendemain au Nouveau Siècle de Lille ; c'est-à-dire pile-poil le jour de l’anniversaire du maestro lillois. Soixante-quinze ans : on a franchement beaucoup de mal à y croire en regardant Jean-Claude Casadesus, tout comme en l’entendant diriger... La jeunesse est il est vrai un bien que l’on sait préserver chez les Casadesus : la comédienne Gisèle – la mère du chef –, qui avait fait déplacement à Lille, était là pour le prouver, aussi lumineuse que dans un récent film avec Gérard Depardieu.
La Symphonie fantastique compte parmi les partitions les plus jouées du répertoire, mais il n’est pas très courant de l’entendre aux côtés du « monodrame lyrique » Lélio ou le retour à la vie prévu par Berlioz pour lui faire suite. Riccardo Muti avait dirigé le diptyque en février 2009 – avec Depardieu en récitant – en laissant, hélas, le temps d’un entracte entre les deux volets. A Lille, Casadesus s’en est bien gardé et on lui sait gré d’un enchaînement indispensable pour pleinement goûter Lélio. Comme le chœur avec l’orchestre, le récitant fait ici son entrée avec le chef. Il passe le temps de la Symphonie assoupi dans un confortable fauteuil, s’éveillant parfois pour poser un regard distrait sur le livre qu’il tient à la main, et ne sort finalement de sa torpeur qu’après le Songe d’une Nuit de Sabbat, lorsque le moment du «retour à la vie » est venu.
Dans la Fantastique, Casadesus ne perd jamais de vue les états d’âme et les tourments décrits par Berlioz ; jamais la formidable « machine » orchestrale du bouillant Hector ne fonctionne au détriment d’une dimension programmatique résolument assumée. A ces Bals qui s’écoulent trop facilement, le chef préfère une conception où le trouble et l’ambiguïté s’immiscent. Après une Scène aux champs d’une intense poésie, la Marche au supplice laisse le temps à la musique pour grimacer de saisissante façon - l’un des moments les plus étonnants de ce concert. Les souffleurs lillois se régalent, là comme dans un Sabbat suggestif à souhait !
Le temps de quelques applaudissements et nous voilà immédiatement plongés dans un Lélio dont Mesguich s’empare avec une ferveur jamais outrancière. Malgré l’hétérogénéité de la partition, on est pris par la fluidité et l’émotion d’une interprétation pour laquelle, outre son récitant, Casadesus peut compter sur un Chœur régional Nord-Pas de Calais remarquablement préparé par Eric Deltour et sur les voix du ténor Julien Behr (très prenant Chant du bonheur !) et du baryton Stephen Salters. Chœur d’ombres et Harpe éolienne mystérieux et raffinés, Chanson des brigands d’une sanguine ardeur, Fantaisie sur la Tempête au romantisme vibrant mais point débraillé ; chaque épisode de ce Lélio trouve la couleur juste !
Lorsque Mesguich prononce l’ultime «Encore, et pour toujours ! », on se dit que la formule pourrait tenir lieu de devise à l’infatigable musicien qu’est Jean-Claude Casadesus.
Alain Cochard
Lille, Nouveau Siècle, 7 décembre 2010
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Photo : DR
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