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Compte-rendu : Ouverture multiple - Festival Musica
S’ouvrir sans se renier. Ce pourrait être, en matière de musique contemporaine, un slogan universel. C’est en tout cas le principe vers lequel tend Musica. En proposant le concert d’ouverture dans la Halle des Sports de l’Université de Strasbourg, c’est évidemment un pas que fait le festival vers le public étudiant, quitte à sacrifier les conditions d’exécution et d’écoute des œuvres. Dans ce lieu sans charme et sans qualité acoustique, ce premier concert offre un programme chargé. Après Three Illusions (2004) d’Elliott Carter (né en 1908), dont la raideur est aggravée par l’absence de réverbération, Musica entre dans le vif de son sujet avec deux œuvres d’un habitué, l’Italien Luca Francesconi (né en 1956), entourant SOLO, le virtuose concerto pour trombone de son mentor Luciano Berio (1925-2003), interprété avec maestria par Frederic Belli aux côtés de ses collègues de l’Orchestre symphonique de la SWR de Baden-Baden et Fribourg, dirigé par un tromboniste de formation, Sylvain Cambreling.
Séparées de quatre ans, les deux œuvres de Luca Francesconi (Cobalt, Scarlet de 2000 et Rest de 2004) donnent une idée assez précise de son style et de sa manière d’appréhender l’orchestre : même alternance de calmes et de paroxysmes, même goût de la résonance – que sylvain Cambreling s’est efforcé d’illustrer malgré l’ingratitude sonore du lieu – et, au fond, même écriture à la fois abstraite et narrative. Remarquable de concentration, Jean-Guihen Queyras, dont le violoncelle était discrètement et habilement amplifié, a livré de Rest, concerto écrit en hommage à Berio, une interprétation parfaite.
Ouverture toujours, le lendemain, et cette fois en grand, avec Fresco où Luca Francesconi fait converger cinq orchestres d’harmonie vers le parvis de la cathédrale, accentuant, en la simplifiant le côté spectaculaire de son écriture. Le succès de ce Musica en plein air était confirmé le dimanche à la Cité de la musique et de la danse où le public se pressait pour assister à l’un ou l’autre des vingt concerts gratuits proposés dans le cadre de « portes ouvertes » – des chansons de cabaret de Weill et Kosma par Donatienne Michel-Dansac aux contes musicaux délicieusement absurdes de Tom Johnson en passant par des œuvres de Luc Ferrari, Philippe Leroux ou Franck Bedrossian.
Le week-end d’ouverture s’achevait en compagnie de l’enthousiasmant Orchestre philharmonique de Fribourg, dans trois œuvres marquantes d’horizons stylistiques différents. Dead City Radio Audiodrome de Fausto Romitelli (1963-2004) prolonge le tropisme italien du festival, et donne à entendre une fantaisie orchestrale douce-amère du compositeur prématurément disparu, où l’orchestre, « dernière machine baroque du merveilleux » accompagne la déliquescence – par excès d’informations sonores – du thème initial, emprunté à Une symphonie alpestre de Strauss. La direction de Fabrice Bollon, manquant alors un peu de présence, allait se révéler autrement convaincante dans les deux œuvres suivantes. Im Lichte du jeune Johannes Maria Staud (né en 1974) déploie progressivement l’orchestre – d’abord par de fugitifs scintillements, puis par des mises en résonance toujours plus profondes – autour des deux pianos solistes (impressionnants Tamara Stefanovich et Florent Boffard) dans une forme toujours renouvelée. La finesse de l’écriture peut évoquer parfois celle de Hanspeter Kyburz, qui fut son maître à Berlin ; elle donne envie surtout de découvrir plus largement l’œuvre de ce compositeur.
La dernière œuvre au programme est un iconoclaste concerto pour accordéon de Bernard Cavanna (né en 1951). Quand Pascal Contet promeut l’instrument et lui donne sa place dans l’instrumentarium de la musique contemporaine, Bernard Cavanna en revient aux instruments surannés (le « trois voix musette ») et aux clichés du genre. L’œuvre s’ouvre ainsi sur une sorte de musette perpétuel auquel vient de front se heurter l’orchestre. Ce Karl Koop Konzert, hommage au grand-père du compositeur, convoque les spectres de la musique ; quelque chose de glaçant, au-delà de l’incongruité et des strates musicales sur-imprimées (la cornemuse doublée par l’harmonie), apparaît en filigrane. Faussement anecdotique, l’œuvre est bouleversante.
Jean-Guillaume Lebrun
Strasbourg, les 18, 19 et 20 septembre 2009
Musica se poursuit jusqu’au samedi 3 octobre.
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Photo : DR
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