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Compte-rendu - Radu Lupu joue Beethoven à Lyon – Dialogue poétique

Radu Lupu


Radu Lupu gâte le public français depuis quelques semaines. Après deux apparitions à Paris, respectivement aux côtés du Rundfunk Sinfonieorchester Berlin dirigé par Marek Janowski et de l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam et Ivan Fisher, le pianiste roumain était l’invité de l’Orchestre National de Lyon mené par son compatriote Lawrence Foster pour rien moins qu’une intégrale en trois parties des cinq concertos de Beethoven - de vieilles connaissances, enregistrées il y a des années sous la baguette de Zubin Mehta, que l’interprète remettait une fois de plus sur le métier.

Magnifique inspiration : l’attaque de l’Allegro initial du 5e Concerto en mi bémol majeur, op 73, ample et aussi richement timbrée que noblement phrasée, résume l’esprit d’une interprétation pétrie de poésie, anti-spectaculaire au possible. Rien de cette arrogance avec laquelle bien des « Empereur » prennent leur envol, mais tout au contraire une main tendue en direction de l’orchestre, une invite à s’unir au piano dans un merveilleux dialogue poétique. Lupu sait qu’il peut compter dans cette aventure sur la baguette humble et précise de Foster mais n’en demeure pas, moins comme toujours, excessivement attentif à ce qui se passe à l’orchestre. D’un regard, d’un mouvement du sourcil broussailleux ou menton, il saura aider tel ou tel instrumentiste à trouver la couleur juste, l’inflexion idéale pour mieux s’unir au chant du piano.

« On ne joue pas du piano avec deux mains, mais avec dix doigts » : on songe au mot d’Yves Nat en écoutant le soliste donner vie à la musique avec un fabuleux sens du détail. Lupu débusque des contrechants généralement négligés, nuance à l’infini sa palette de couleurs et l’accorde continûment aux indications dynamiques. Les p et pp ne manquent pas dans la partition du Concerto en mi bémol majeur et on les aura rarement entendus respectés avec un tel soin. L’interprète profite de ces instants d’intimité pour mieux fondre sa sonorité avec celle de l’orchestre et, partant, rendre compte de l’esprit du concerto symphonique qu’est l’Opus 73, avec une qualité de legato et un lyrisme qui semblent d’un autre temps et conduisent à une écoute renouvelée d’un ouvrage archi-rebattu.

Ce dialogue poétique, cette complicité de chaque instant n’eussent pas été possibles sans un Orchestre National de Lyon totalement impliqué dans sa tâche et en très belle forme. On avait pu le constater dès la première partie de la soirée où Lawrence Foster faisait se succéder les trois ouvertures de Leonore – avec le n°5 Adagio des Créatures de Prométhée intercalé entre la II et la III. Plutôt que de forcer l’optique symphonique et de dramatiser à l’excès le propos, le chef a préféré jouer la carte de la clarté et de la vigueur pour un enchaînement qu’il n’est que rarement donné de goûter en concert.

Quant à Lupu, décidément très présent sur les scènes de l’Hexagone en ce moment, il sera de retour à Paris au Châtelet, le 18 mai, pour un récital Debussy, Schubert.

Alain Cochard

Auditorium de Lyon, 18 avril 2009.

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Photo : DR

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