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Compte-rendu : Rencontres de Vézelay – La Messe en si fait l’événement

Toujours trop courtes quant à la durée, les Rencontres musicales de Vézelay sont, chaque été, une vitrine privilégiée pour le grand répertoire choral (ainsi de la célébration Haendel, l'an passé). Sans doute moins événementielle, l'édition 2010 restera avant tout celle de la Messe en si mineur de Bach donnée en la Basilique Sainte-Marie Madeleine.

Certes, les avis divergent sur la finalité liturgique de ce monument de musique et d'œcuménisme. Disons que le point de départ en est un Kyrie et un Gloria dédiés en 1733 à Friedrich August II, prince électeur de la Saxe luthérienne, mais également souverain catholique en tant que roi de Pologne. Une ambiguïté entretenue par l'extrême lenteur de la genèse, l'œuvre, contrairement à ce qu'on a cru longtemps, n'ayant été achevée qu'en 1747-1749. Donnée pour la première fois dans son intégralité en 1859, en présence de Franz Liszt, la Messe ne tardera pas à s'imposer comme l'un des piliers du répertoire sacré en Occident.

Précisément, c'est cette spiritualité venue d'ailleurs qui faisait la différence à Vézelay avec tant de versions plus soucieuses d'effets dynamiques que de questionnement métaphysique. Etroitement unis dans le style et la manière, le chœur de la Cappella Amsterdam et l'Akademie für Alte Musik de Berlin – une manière d'idéal dans ce répertoire – sont complices d'une même vision intérieure sous la souple conduite de Daniel Reuss (photo) qui conjugue ici énergie et ferveur et retrouve les inspirations de l'enregistrement historique de Gustav Leonhardt qui fut une manière de guide pour les discophiles, au coeur des années 80. Et un cortège de solistes valeureux (détachons-en la soprano de Johannette Zomer, modèle de fine vocalité, et la basse de Peter Harvey qui domine magistralement les pièges du périlleux aria avec cor de chasse Quoniam Tu solus dans le Gloria) achève de faire de cette relecture l'un des événements de l'été.

Reste à parler du quotidien des Rencontres, exemplairement assuré par le chœur Arsys, animé depuis sa création en 1999 par Pierre Cao, chef charismatique comme il en est peu. Des interprètes devenus incontournables sur la colline éternelle et totalement acquis au pluralisme, disons « européen » du lieu.

De cet activisme qui confine au militantisme, témoignait également Un Requiem allemand de Brahms de la plus juste expressivité, à la fois serein et méditatif, mais dramatique intensément en sa 6ème section qui peint la résurrection des corps au Jugement Dernier et la victoire définitive sur la mort et l'enfer. Cependant que l'école Grand-Siècle n'était pas oubliée avec le Concerto Soave, dirigé ce même samedi par le subtil Jean-Marc Aymes en l'église voisine d'Asquins. Un moment de bonheur rhétorique que l'on doit à Benjamin Lazar, diseur habité dans l'évocation de Marie-Madeleine, « la sainte Amante de Jésus, vivant, mort et ressuscité » (Bossuet). Tandis que, côté chant, les interventions de Maria-Cristina Kiehr, voix doloriste à l'italienne dont les baroqueux ne se lasseront jamais, se faisaient à mon goût trop rares.

Notons enfin que d'importants aménagements vont sensiblement transformer le décor visuel de l'institution, avec en particulier la très prochaine ouverture (à la fin de l'année) d'une Cité de la Voix installée dans l'ancien hospice, superbement rénové en la circonstance et ayant fonction pluridisciplinaire, de la répétition des concerts aux sessions d'enregistrement, voire à la création contemporaine. La musique bouge à Vézelay et c'est tant mieux pour les Rencontres !

Roger Tellart

Rencontres de Vézelay, basilique, église d’Asquins, 20-22 août 2010

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Photo : DR
 

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