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Compte-rendu : Si la danse nous était contée… Spectacle de l’Ecole de Danse au Palais Garnier
Quoi qu’en disent les méchantes langues, l’Ecole de Nanterre se porte bien : une délicieuse preuve vient de nous en être offerte. Avec un spectacle impeccablement composé, interprété, et habité par cette flamme dont on a si peur qu’elle se perde, au vu d’étoiles souvent mornes. Tandis que ces adolescents, suspendus entre deux mondes, celui d’une enfance studieuse, et celui proche, on l’espère, d’une entrée dans une grande compagnie, ici ou ailleurs, donnent tout de leurs rêves, de leur technique fraîche et parfois encore fragile, mais déjà moulée aux normes du plus bel académisme, de leur peur face au trou béant de l’énorme public qui les avale, et de leur enthousiasme à triompher de leur corps.
Directrice de l’Ecole, Elisabeth Platel, riche d’une carrière fastueuse et d’une connaissance avisée de l’histoire de la danse, a su graduer les évolutions des jeunes gens en fonction des 6 divisions en piste, en choisissant des œuvres emblématiques de leur temps et porteuses de possibilités techniques ou expressives diverses: on connaît mal les évolutions parfaitement académiques de la Suite de Danses due à Ivan Clustine, directeur du Ballet de l’Opéra de 1909 à 1914, qui permettent un beau travail de facture classique, sur un arrangement assez douloureux, il faut le dire, de pièces de Chopin. On a là un mélange pire que celui des Sylphides, mais pour la bonne cause, car tout y est exquisément dansant. C’est à Pierre Lacotte que Platel a confié le soin de faire retrouver ce style tout en légèreté, fluidité des bras, petits battements: les jeunes danseuses, car ce sont elles qui sont ici en valeur, font leurs armes pour leurs futurs Cygnes, leur futures Willis.
Place ensuite à la surabondance décorative qu’appréciait l’époque du Marquis de Cuevas, héritier des Ballets Russes de Diaghilev : histoires exotiques, couleurs fortes, chorégraphies brillantes, souvent sans profondeur, mais toujours spectaculaires. Piège de Lumière, qui permit d’apercevoir dans la salle un Jean-Michel Damase toujours vif - on lui doit cette partition glamoureuse de 1952 - fut une des œuvres très aimées en son temps, et son chorégraphe, John Taras, qui fut, lui aussi, directeur du ballet de l’opéra de 1968 à 1970, a mis en valeur les bras et les pointes des filles, l’énergie, la puissance de saut des garçons, outre des portés plus que périlleux. Typique du néo-classicisme d’antan, le ballet permet à chacun de montrer sa force de frappe, et tous y adhèrent avec passion.
Enfin, le meilleur pour la fin, car le chic, la grâce aigue d’une culture revisitée par le génie d’un Béjart inspiré, voilà dans quoi baignent ces Sept Danses Grecques, crées en 1983. Le cœur de la Méditerranée y bat. Diagonales, rondes, pliés et biais, avec pour les filles, les cheveux tirés et l’austérité d’un justaucorps noir, évocateurs de la femme grecque, tandis que les garçons, toujours plus gâtés, bondissent ou tournoient torse nu, et pantalon flottant. Retrouver cette chorégraphie à l’indicible charme, ainsi portée par ces énergies neuves, ces pointes superbes, ces torses déployés, est un des plus beaux hommages qui puissent se rendre au chorégraphe, chantre de la jeunesse. Michel Gascard, inoubliable chef de file de ces évolutions, et directeur de l’atelier Rudra, a présidé à cette remise en piste d’un ballet que l’école reprend périodiquement.
Mais il n’est de richesse que d’hommes, et que serait une compagnie, un groupe, une école, sans ses chefs de files, à la fois emblématiques et exceptionnels ? On a pu ici en découvrir trois, et on n’est pas près de les oublier. La musicalité, la délicatesse de l’elfique Amélie Joannidès dans Suite de Danses ont permis d’espérer la naissance d’une vraie ballerine romantique, tandis que deux garçons se faisaient acclamer comme des vedettes : virevoltant dans Piège de Lumière, François Alu rappelait par ses bonds et ses pirouettes à couper le souffle, un certain Patrick Dupond, et on se prenait à rêver d’un nouveau Puck. Quant au dieu grec dont Béjart rêvait, il était presque là avec un jeune avatar de Dionysos, couronnant les Danses grecques de sa stature digne de Praxitèle et de sa grâce un peu étrange et encore contenue, sans doute parce qu’il manque de l’expérience de la scène : Florent Melac, un nom à retenir, une personnalité qui pourra certainement s’épanouir, s’il est intégré à la troupe. On en espère le meilleur. Y croire sans se croire, telle sera la question…
Jacqueline Thuilleux
Spectacle de l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris - Palais Garnier, le 8 avril, jusqu’au 13 avril 2010
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Photo : David Elofer
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