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Compte-rendu : Simone Kermes : Le défi belcantiste
Elle est la star montante du chant baroque, image d'une énergie en marche qui d'ailleurs ne conteste pas ce qu'elle doit à celles qui l'ont précédée dans l'arène lyrique. A commencer par Cecilia Bartoli, sans qui le soprano hors normes de Simone Kermes ne serait sans doute pas ce qu'il est. Remettons donc les acteurs à leur place. C'est la diva italienne qui, la première, a rendu sa gloire à un style de chant virtuose qu'on croyait perdu: celui des opéras "serie" du XVIIIème siècle et, du même coup, a réveillé le rêve ailé des castrats, ces "voix du ciel"qui n'ont pas fini de hanter notre imaginaire.
Pour autant, les choses vont vite dans ce domaine et le règne de la Bartoli dure encore que déjà se profile celui de la Kermes, née à Leipzig et formée à la Hoch Schule Mendelssohn Bartholdy de cette ville. Prélude à une carrière qui l'a conduite aux quatre coins du monde en peu d'années. En tout cas, son dernier concert à Paris, avec le soutien remarqué de La Stagione basée à Francfort et conduite par le très avisé Michael Schneider, a tourné au triomphe dans un programme taillé à sa mesure. Avec la vaste Cantate "Ino" pour soprano et orchestre de Telemann, créée en 1768 à Hambourg (soit un an après la mort du compositeur) et riche d'une continuité dramatique qui prend ici une dimension nouvelle, loin du Telemann "caméléon" faisant son miel de tous les styles d'époque à la mode.
C'est peu de dire que le timbre vaillant de la soliste y est à l'aise, tout comme d'ailleurs dans l'air "Ah! se in crudel periglio", tiré de l'opéra "Lucio Silla" de Mozart (1772) et où la Kermes, tout à l'urgence de l'instant, embrase le verbe et les notes. Cependant que l'orchestre se révèle plein de ressources dans la tonifiante "Ouverture en ré majeur" TWV D 23, qui remet en scène Telemann et, plus encore, dans la juvénile Symphonie n°21 K.134, contemporaine de "Lucio Silla" et souvent considérée comme la première des grandes contributions du Salzbourgeois au genre. Restent tout de même quelques petits nuages au terme de cette soirée passionnante. Nuages provoqués bien évidemment par la rencontre avec le modèle Bartoli au moment des "bis". Ainsi de l'air "Agitata da due venti" ( extrait de la "Griselda" vivaldienne), où, en dépit de ses dons virtuoses, la nouvelle venue ne peut soutenir tout à fait la comparaison avec son aînée qui a pour elle, en supplément, le charme, l'élégance et la couleur d'une ligne de chant incroyablement mobile et contrastée.De même, l'émotion montée du vrillant "Lascia ch'io pianga", emprunté au "Rinaldo" de Haendel, ne vous laisse pas au bord des larmes comme avec la Romaine. Demeure le choc, au sens fort du mot, provoqué par la vocalité de combat de l'Allemande. Ce, qu'on le veuille ou non, est l'apanage des grands, quitte à préférer dans la durée la versatilité d'une voix plus humaine et plus vulnérable.
Salle Gaveau, 20 octobre 2010
Roger Tellart
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