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Compte-rendu : Yannick Nézet-Séguin dirige la Symphonie « Résurrection » - Prophéties et foudroiements

Oui, l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam n’est ni le Concertgebouw ni même La Haye, un rien terne de cordes, un rien prosaïque de bois, un rien abrupt de cuivres, mais au fond cette sécheresse évite à la « Résurrection » des vêtures inutilement somptueuses qui mettent sur sa langue foudroyante trop de luxes souvent incongrus : on en a connu des 2e de Mahler apprêtées et pourtant vides ; celle de Yannick Nézet-Séguin évitait ces deux chausse-trappes.

Dès le Maestoso, on est saisi par une fureur contrôlée mais pourtant active, visiblement fascinée par les audaces de l’écriture. Dans ce mouvement périlleux, surtout pour les cordes, le bras pourtant virtuose du jeune chef canadien ne parvenait pas à tout régler au millimètre, mais le sens du texte était là, incarné, fulgurant, âpre.

L’Andante décevait pourtant, réfugié dans le joli alors qu’il faut lui donner plus d’influx et de fantaisie. Un hiatus que l’on ne s’explique toujours pas car, dès le Scherzo, la fantastique suractivité de cette direction reprenait les rênes, et le texte mahlérien retrouvait sa puissance visionnaire : littéralement on était transporté dans cette dramaturgie mystique qui regarde souvent vers un théâtre lyrique transposé.

L’immense voyage initiatique de la cinquième section aura rarement résonné avec cette cohérence : enchaînements évidents, épisodes jamais épisodiques, la structure par palier faisait sens, l’âme pouvait voyager.

Ekaterina Gubanova émue et émouvante, toute en retenue, faisait un Urlicht clair, et Kate Royal qui a bien raison de se chauffer la voix avec le cœur, montait à l’aigu périlleux sans ciller et tout en douceur.

Chœur affirmatif (le Collegium Vocale Gent et l’Accademia Chigiana Siena), geste éclatant, cette « Résurrection » qui ne voulait pas philosopher avait toute l’énergie conquérante de la jeunesse. C’est assez rare pour qu’on s’en délecte sans compter les bémols.

Jean-Charles Hoffelé

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 12 septembre 2010.

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