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Compte-rendu - Zoltan Kocsis au Festival d’Auvers-sur-Oise - Loin des célestes longueurs
Légende du piano, le pianiste hongrois Zoltán Kocsis était l’invité du 29e Festival d’Auvers-sur-Oise qu’il clôturait par un cours d’interprétation, suivi d’un récital schubertien. Sa vision du compositeur autrichien ne ressemble à nulle autre, mais par certains côtés se rapproche, en moins hypnotique, de celle de Sviatoslav Richter (qui appréciait d’ailleurs beaucoup Kocsis). Sanguin, parfois brusque, sachant varier les couleurs, les registres, les nuances, le soliste prend d’entrée de jeu à bras-le-corps les 4 Impromptus op 90 qu’il n’hésite pas à bousculer (Impromptu n°3 en sol bémol majeur) tout en leur conférant une densité de son (avec un contrôle d’une maîtrise stupéfiante) et une urgence presque déclamatoire. Si la poésie n’est pas absente, elle ne constitue jamais la préoccupation majeure d’un interprète qui débusque la chair humaine plus que la dimension métaphysique.
Il en va de même des 3 Klavierstücke D 946 marqués par le refus délibéré de se plier au style viennois, mais portés par une nécessité rythmique, une mise en valeur des contrechants. Le dernier Klavierstück (Allegro, en do majeur) prend, sous ces doigts incisifs, une allure un peu magyare qui ferait presque de Schubert un prédécesseur de Bartók !
En création mondiale, Hommage à Georges Cziffra de Régis Campo (le compositeur célébré pendant tout le Festival) où passent en neuf minutes les ombres en miroir de Liszt, de Debussy, permet à Kocsis de réaliser une alchimie fine et subtile par un travail sur le timbre et la sonorité proche des Jeux d’eau de la Villa d’Este.
En seconde partie, la Sonate en si bémol majeur D 960, après un premier mouvement (Molto moderato) d’une grande intériorité, ne se perd jamais en conjectures et se révèle plus beethovénienne qu’allusive avec un final en forme d’eau forte puissante et vigoureuse sortie de la Wanderer-Fantasie. En guise de bis, pour répondre à l’enthousiasme du public, Kocsis rejoue avec encore plus de liberté la pièce de Régis Campo qui conclut avec force un captivant récital de deux heures.
Michel Le Naour
Auvers-sur-Oise, Eglise Notre-Dame, 4 juillet 2009.
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Photo : DR
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