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De la maison des morts à l’Opéra Bastille - Ténèbres lumineuses - Compte-rendu
De la maison des morts à l’Opéra Bastille - Ténèbres lumineuses - Compte-rendu
L’Opéra de Paris rend un hommage signalé au travail lyrique de Patrice Chéreau, disparu en 2013, par une exposition qui retrace son illustre parcours en ce domaine (1) et par une reprise de sa production de De la maison des morts. Ce spectacle avait créé en 2007 à Vienne (les Wiener Festwochen, alors sous l’égide de Stéphane Lissner, actuel directeur de l’Opéra de Paris), avant de tourner au Festival d’Aix-en-Provence, à Amsterdam, à New York, à la Scala de Milan et à Berlin. Judicieuse initiative donc, que l’entrée de cette production marquante dans la grande boutique, lieu de nombre des exploits d’un metteur en scène qui a marqué son époque.
© Elisa Haberer - Opéra National de Paris
À la Bastille, la réalisation de la mise en scène revient à Peter McClintock, assistant de Chéreau pour cette Maison des morts, et à Vincent Huguet, collaborateur régulier du metteur en scène durant ses cinq dernières années, qui se sont attachés à retrouver l’essence du travail initial. L’une des vertus de Chéreau résidait dans sa méticuleuse direction d’acteurs. Et nul doute que cette reprise s’inscrit fidèlement dans cet esprit, avec des gestiques et situations sordides, sexuelles à l’occasion, mais tracées au cordeau parmi des mouvements incessants. Éléments indispensables à cette réalisation, car le décor de Richard Peduzzi, collaborateur attitré du metteur en scène disparu, verse dans la nudité froide de murs de grisaille qui enferment, au sens propre, la scène et les personnages. Ceux-ci sont vêtus de défroques couleurs de muraille, beige dépenaillé pour les prisonniers et vert-de-gris pour leurs geôliers (conçues par Caroline de Vivaise), sous des lumières blafardes (signées Bertrand Couderc) qui parfois soulignent les interventions isolées par un trait de projecteur. Un grand moment de théâtre. Puisque la trame de l’opéra de Janáček campe l’univers d’une prison sibérienne, goulag avant l’heure sans horizon et sans espoir, sur un sujet inspiré de Dostoïevski qui appose les scènes sans véritable action.
À la Bastille, la réalisation de la mise en scène revient à Peter McClintock, assistant de Chéreau pour cette Maison des morts, et à Vincent Huguet, collaborateur régulier du metteur en scène durant ses cinq dernières années, qui se sont attachés à retrouver l’essence du travail initial. L’une des vertus de Chéreau résidait dans sa méticuleuse direction d’acteurs. Et nul doute que cette reprise s’inscrit fidèlement dans cet esprit, avec des gestiques et situations sordides, sexuelles à l’occasion, mais tracées au cordeau parmi des mouvements incessants. Éléments indispensables à cette réalisation, car le décor de Richard Peduzzi, collaborateur attitré du metteur en scène disparu, verse dans la nudité froide de murs de grisaille qui enferment, au sens propre, la scène et les personnages. Ceux-ci sont vêtus de défroques couleurs de muraille, beige dépenaillé pour les prisonniers et vert-de-gris pour leurs geôliers (conçues par Caroline de Vivaise), sous des lumières blafardes (signées Bertrand Couderc) qui parfois soulignent les interventions isolées par un trait de projecteur. Un grand moment de théâtre. Puisque la trame de l’opéra de Janáček campe l’univers d’une prison sibérienne, goulag avant l’heure sans horizon et sans espoir, sur un sujet inspiré de Dostoïevski qui appose les scènes sans véritable action.
Esa-Pekka Salonen © Aline Paley
Quant à la musique, elle reste libre de s’épancher, même si la conception scénique l’illustre peu (selon les principes de l’auteur de Si tant est que l’opéra soit du théâtre). Sachant que son lyrisme farouche se réserve à un orchestre d’une vigueur sans beaucoup d’exemple dans le répertoire lyrique. La direction d’Esa-Pekka Salonen, qui prend le relais de Boulez en son temps à Vienne et à Aix, est au cœur du brasier. Granitique et terrible, elle transmet le feu de cet opéra inversé où l’orchestre dit tout. L’arioso du plateau vocal, calqué sur la prosodie tchèque en une manière de parlé-chanté sans éclats, nécessite seulement alors une parfaite émission. À ce compte, ne faillit pas ici une distribution presque entièrement masculine. On retient le Chichkov de Peter Mattei, avec une projection éminemment musicale dans l’un des rares rôles quelque peu développé ; mais aussi le Goriantchikov ferme de Willard White et l’Alieïa bien lancé du ténor Eric Stoklossa. Bonne apparition du chœur, dans la puissance ou l’effet de coulisse, au sein d’une foule mêlant indifféremment chanteurs et acteurs (au nombre d’une vingtaine). Une reprise à la hauteur de l’ambition de son projet.
Pierre-René Serna
Quant à la musique, elle reste libre de s’épancher, même si la conception scénique l’illustre peu (selon les principes de l’auteur de Si tant est que l’opéra soit du théâtre). Sachant que son lyrisme farouche se réserve à un orchestre d’une vigueur sans beaucoup d’exemple dans le répertoire lyrique. La direction d’Esa-Pekka Salonen, qui prend le relais de Boulez en son temps à Vienne et à Aix, est au cœur du brasier. Granitique et terrible, elle transmet le feu de cet opéra inversé où l’orchestre dit tout. L’arioso du plateau vocal, calqué sur la prosodie tchèque en une manière de parlé-chanté sans éclats, nécessite seulement alors une parfaite émission. À ce compte, ne faillit pas ici une distribution presque entièrement masculine. On retient le Chichkov de Peter Mattei, avec une projection éminemment musicale dans l’un des rares rôles quelque peu développé ; mais aussi le Goriantchikov ferme de Willard White et l’Alieïa bien lancé du ténor Eric Stoklossa. Bonne apparition du chœur, dans la puissance ou l’effet de coulisse, au sein d’une foule mêlant indifféremment chanteurs et acteurs (au nombre d’une vingtaine). Une reprise à la hauteur de l’ambition de son projet.
Pierre-René Serna
Janáček : De la maison des morts – La Bastille, Paris, 18 novembre ; prochaines représentations les 21, 24, 26, 29 novembre et 2 décembre 2017 / www.concertclassic.com/concert/de-la-maison-des-morts
(1) Exposition « Patrice Chéreau, Mettre en scène l’opéra », dans un chemin à travers ses onze productions lyriques, assorti de vidéos et de 160 pièces de documents d’archives, dont certains inédits ; Bibliothèque-musée de l’Opéra de Paris, Palais Garnier, jusqu’au 3 mars 2018. À noter aussi la sortie du beau catalogue de l’exposition, co-édité par Actes-Sud-Papiers, l’Opéra de Paris et la BnF (190 p., 39 €) et différentes projections de vidéo des réalisations d’opéra de P. Chéreau, jusqu’au 26 novembre au Studio Bastille ; dont Wozzeck, Lulu (22 novembre), Elektra (23 novembre), Così fan tutte ((24 novembre) et la Tétralogie (25 et 26 novembre)
(1) Exposition « Patrice Chéreau, Mettre en scène l’opéra », dans un chemin à travers ses onze productions lyriques, assorti de vidéos et de 160 pièces de documents d’archives, dont certains inédits ; Bibliothèque-musée de l’Opéra de Paris, Palais Garnier, jusqu’au 3 mars 2018. À noter aussi la sortie du beau catalogue de l’exposition, co-édité par Actes-Sud-Papiers, l’Opéra de Paris et la BnF (190 p., 39 €) et différentes projections de vidéo des réalisations d’opéra de P. Chéreau, jusqu’au 26 novembre au Studio Bastille ; dont Wozzeck, Lulu (22 novembre), Elektra (23 novembre), Così fan tutte ((24 novembre) et la Tétralogie (25 et 26 novembre)
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