Journal
Diabolus in Musica à l’Oratoire du Louvre - Requiem pour Ockeghem - Compte-rendu
Les contemporains l'appelaient Okergan (ce que fera également Rabelais). Telle quelle, une figure majeure qui servit trois rois d'affilée à la cour de France (Charles VII, Louis XI et Charles VIII) et fut dans le savant concert médiéval l'un des premiers à pressentir les feux novateurs de la Renaissance.
En tout cas, en plaçant l'anniversaire de leurs 20 ans de carrière sous le signe du maître flamand (né sans doute au début du XVème siècle), Antoine Gerber et les siens ont fait une excellente opération médiatique, car la formation s'est notablement étoffée dans ses effectifs, jouant au mieux d'une harmonieuse mixité. Au noyau masculin primitif (altos, ténors, baryton-basse et basse), deux souples mezzos féminins s'ajoutent aujourd'hui, apportant confort d'écoute et euphonie à l'ensemble. Un appoint précieux dans le son et dans l'expression, celle-ci à la fois mesurée et pleine, qui nous rappelle d'abord une proximité géographique, le groupe s'étant fixé à Tours dès sa naissance, au coeur du fortuné Jardin de France.
Dans cet esprit identitaire, le concert donné dans un Oratoire du Louvre comble et fervent, allait au-delà de la déploration officielle. Ainsi de la plainte fameuse de Josquin Desprez (Nymphes des bois, déesses des fontaines...), qui, avec les Diabolus, devient un espace largement ouvert aux émotions personnelles. Réussite témoignant des progrès d'une formation qui, désormais, n'a plus grand-chose à envier aux meilleurs et prouve également l'étendue de son savoir-faire dans le réveil de la Missa Sicut spina rosam : un sommet contrapuntique de la plus belle eau dû à Jacob Obrecht, autre génial représentant de l'école néerlando-flamande, en dépit d' une instabilité caractérielle qui explique sa carrière très mouvementée (entre autres, Utrecht, Cambrai, Bruges et Anvers), avant qu'il ne trouve la mort lors d'un second séjour à Ferrare, la cité des Este, victime d'une épidémie de peste en 1505.
On se souviendra de ce chef-d'oeuvre rare où, par «défi de composition», l'auteur s'amuse à intégrer à la musique la voix supérieure du célèbre et impressionnant motet d'Ockeghem Intemerata la relecture des Diabolus y témoignant, une fois de plus, d'une fructueuse complicité avec le chant et le dire.
Roger Tellart
Paris, Oratoire du Louvre, 15 février 2012
> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?
> Lire les autres articles de Roger Tellart
Photo : Diabolus in Musica
Derniers articles
-
21 Décembre 2024Jacqueline THUILLEUX
-
19 Décembre 2024Jacqueline THUILLEUX
-
17 Décembre 2024Alain COCHARD