Fervente avocate de la musique d’aujourd’hui, Dominique My dirige Henri Dutilleux et Betsy Jolas à la tête l’Orchestre du Conservatoire de Paris, mais n’oublie pas pour autant son Ensemble Fa.

« C’est une œuvre d’une espèce aujourd’hui fort rare : œuvre de science, de recueillement, de sincérité, où l’auteur a souci de s’exprimer, sans flagornerie à l’adresse du public, sans surenchère pour les copains. Il use d’un langage musical très évolué, mais auquel on serait bien embarrassé d’appliquer une étiquette d’école. La technique est assujettie à la pensée ». Ce que Marc Pincherle écrivait avec perspicacité en juin 1948, rendant compte de la création de la Sonate pour piano d’Henri Dutilleux (par Geneviève Joy le 30 avril 1948), pourrait être aujourd’hui repris mot pour mot s’il s’agissait de définir l’ensemble de la production du compositeur français.

Marquée du 90ème anniversaire de ce dernier, l’année 2006 a déjà beaucoup rendu hommage à l’auteur des Métaboles et se sera bientôt au tour de Dominique My d’apporter sa contribution en dirigeant à deux reprises l’Orchestre du Conservatoire de Paris. L’hommage est d’ailleurs double s’agissant du concert du 9 décembre à la Villette dans la mesure où il s’inscrit à la fois dans le « domaine privé » que la Cité de la Musique dédie à Betsy Jolas (6-10 décembre) et dans le cadre des Journées Dutilleux (7-12 décembre) coordonnées par le Centre de documentation de la musique contemporaine.

« Un vrai maître dans la lignée de la musique française, dit Dominique My de Dutilleux. Un créateur qui prend le temps d’écrire, de faire et de défaire ; on sent le travail, la maturation de l’écriture. Tout ce qu’il couche sur le papier est vraiment voulu et le résultat d’une cohérence, d’une maîtrise, d’un raffinement orchestral exceptionnels. Ce sont des œuvres ; c’est toute la différence avec d’autres qui écrivent des pièces », conclut-elle…

Son bonheur n’est pas moindre d’interpréter Betsy Jolas. « Une créatrice toujours très moderne dans sa façon d’être et d’une grande générosité. » Dominique My ne cache pas « son admiration et sa tendresse » pour celle qu’elle qualifie de « vraie maman qui a beaucoup défendu la cause des femmes compositrices. Son tempérament militant tient sans doute à ses origines américaines. Pleinement épanouie, elle manifeste du bonheur à faire de la musique, à en parler. C’est une figure importante dans le paysage français qui a beaucoup épaulé la génération des 40-50 ans. »

Après avoir dirigé Just a Minute et Tales of a Summer Sea de Jolas, Rondes printemps de Debussy, le concerto pour violon L’Arbre des songes de Dutilleux (soliste : Raphaël Oleg) et On the Town de Bernstein le 9 décembre avec l’Orchestre du Conservatoire de Paris, Dominique My retrouvera cette formation le 11 à la Salle Pleyel lors d’une soirée cette fois entièrement dédiée à Dutilleux. Divers aspects de son art y seront représentés : outre L’Arbre des songes on entendra en effet Les Citations pour hautbois, clavecin, contrebasse et percussion, Ainsi la Nuit par le Quatuor Sine Nomine et enfin les Trois Préludes pour piano par Vanessa Wagner.

Par avance, Dominique My savoure le travail qu’elle s’apprête à entreprendre avec les étudiants du Conservatoire – déjà côtoyés les saisons passées lors des Journées de la composition du CNSMDP. « Leur enthousiasme compense largement leur manque d’expérience, remarque-t-elle. Ce sont des musiciens à qui l’on peut parler différemment. Je leur explique les choses, ce que l’on fait, pourquoi on le fait. Il s’agit de rendre les choses évidentes et de jouer la musique contemporaine avec le même soin que s’il s’agissait de celle de Debussy ». Un secret ? « Toujours aller à la solution la plus simple et, surtout, parler de musique ».

Après avoir dirigé une série de représentations de la délicieuse « Carmencita » mise en scène par Matthew Jocelyn avec les Jeunes Voix du Rhin, Dominique My retrouve dès le 4 décembre son Ensemble Fa dans le cadre du Festival d’Automne, non pas en tant que chef cette fois mais comme soliste de L’Afrique d’après Tiepolo pour piano et ensemble d’Hugues Dufour. Une composition donnée en création française au cours d’une soirée dirigée par l’Américain Jefffrey Milarsky où figurent aussi des réalisations de Murail, Feneberg et Eckardt (création française d’After Serra pour cinq instruments). En mai 2007, Dominique My et les musiciens de l’Ensemble Fa seront à Boston pour faire travailler les étudiants de l’Université et jouer leurs œuvres.

Et la suite ? Le visage de Dominique My s’assombrit et elle n’hésite pas à tirer la sonnette d’alarme face à un avenir pour le moins incertain. « Notre résidence à Chaville s’est terminée le 19 octobre et la situation est assez dramatique… »

Alain Cochard

Samedi 9 décembre. Domaine privé Betsy Jolas. Cité de la Musique – 20h.

Tarifs préférentiels Concertclassic

Programme détaillé de la Cité de la musique

Lundi 11 décembre. Hommage à Henri Dutilleux. Salle Pleyel – 20h.

Réservation pour la Salle Pleyel

Lundi 4 décembre. Festival d’Automne. Ircam/Espace de projection- 20h30. Ensemble Fa, dir. Jeffrey Milarsky. Dominique My, piano. Rens./rés. : 01 53 45 17 17

Photo : DR