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Faux Scythe
Le Théâtre des Champs-Elysées tente de renouer avec la Sémiramide rossinienne. Vous ne l’avez pas oublié, l’affrontement entre Marylin Horne et Montserrat Caballé, qui avaient étrenné leurs Arsace et leur Sémiramide au Festival d’Aix avant de les reprendre au Théâtre des Champs-Elysées – pas plus que l’Assur de Samuel Ramey. Cette nouvelle production n’en effacera pas le souvenir tenace qui remonte tout de même à 1981. Secolo passato. Certainement pour contredire l’orchestre imaginatif et si coloré de Rossini, William Orlandi a conçu un décor au noir d’une sobre beauté, unique, avec simplement ajout ou escamotage du trône.
On aurait aimé que Jean-Pascal Pracht l’éclaira un peu plus. Mais non, le royaume de Sémiramide sera dans les ténèbres, au point que Morphée guettait les spectateurs les plus zélés. Cette manie du noir, ce goût très chic des scènes où l’on ne voit rien annoncent en général un ennui distingué. C’était sans compter sur Gilbert Deflo qui nous avait concocté un spectacle désopilant mais par défaut. Une gestique issue des films de Murnau, qui souligne comme les chanteurs peuvent être de piètres acteurs si on le leur demande poliment, des déplacements pusillanimes, un goût pour des effets de symétrie d’une platitude navrante et c’est tout. Pas une idée, pas une proposition, pas une interprétation : un grand rien près de quatre heures durant.
Le public qui ne s’y est pas trompé, aux saluts, a levé une vague conspuante assez étonnante par son unanimité rageuse. En scène, le naufrage vocal fut quasi général. Barbara di Castri doit retourner au Conservatoire de Florence : voix mal placée, phonation des plus incongrue, justesse constamment en défaut, pour ne rien dire de ce qu’elle fait subir à sa langue natale et de sa totale méconnaissance du style rossinien. Gregory Kunde, toujours aussi artiste – ses mezza voce dans son air du II « La speranza piu soave » réconciliaient avec une certaine idée du bel canto – offrait une voix éteinte, indurée : son redoutable air du I « E, se encor libero » avait heureusement été coupé. Justesse indéterminée aussi pour le Grand Prêtre de Baal, Federico Sacchi, soit trop haut, soit trop bas. Et qu’est-il arrivé au chant belcantiste de Michele Pertusi, en voix de bois et réfugié dans un vérisme décidément étranger à la partition ? Cet Assur de foire fut une déconvenue de plus.
On aurait aimé entendre plus longuement le soprano prometteur de Mariana Ortiz, cette Adrena dont tout le monde est énamouré, mais ses deux airs étaient passés à la trappe et son personnage en devenait incompréhensible. Restait Sémiramide : pas dans son meilleur jour, Alexandrina Pendatchanska assume toutes les ambiguïtés du personnage malgré les costumes falots qu’on lui fait endosser et dessine un vrai destin. Mais la vocalise qui fut si brillante devient mécanique et les coloratures souffrent d’absences soudaines sur les passages. Le style est là, enfin, mais la voix semble par instant petite, manque d’air pour colorer les écritures dangereuses que Rossini avait réservées à la Colbran.
En fosse Evelino Pido était fidèle à lui même : direction sans envergure, où tout, l’espoir, la mort, l’angoisse, la fureur, le désir et la frustration, était traité du même ton atone, avec une mollesse rythmique qui plombait dés l’ouverture. On se consolait avec les concertato des bois de l’Orchestre National, si savamment sollicités par Rossini.
Jean-Charles Hoffelé
Sémiramide de Gioacchino Rossini, Théâtre des Champs Elysées le 22 avril, puis les 24, 26 et 28 avril.
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Photo: DR
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