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Hello, Dolly ! au Lido – On n’est pas sérieux quand on a soixante ans – Compte-rendu

Si le Lido a rouvert ses portes en 2022 avec Cabaret dont l’intrigue évoque la montée du nazisme à travers le regard de Christopher Isherwood, on serait bien en peine de trouver le moindre message politique dans Hello, Dolly ! L’insouciance et la légèreté sont cette fois de mise, dans cette évocation souriante des années 1900 (on est très loin de Ragtime d’après le roman de Doctorow), et même la musique s’abandonne à une nostalgie de la valse presque richard-straussienne, les premières phrases de « Before the Parade » semblent reprendre Fascination, la célébrissime valse lente de Marchetti, et l’arrivée de Dolly au restaurant Hoffman provoque le même émoi que l’entrée d’Octavian chez les Faninal… Idéalisant la Belle-Epoque, la comédie musicale de Jerry Hermann sur un livret de Michael Stewart porte allègrement ses six décennies. Entre janvier 1964 et décembre 1970, Hello, Dolly ! connut près de trois mille représentations à Broadway, et Hermann allait également connaître un immense succès avec Mame, aussitôt après, puis dans les années 1980 avec le musical tiré de la pièce de Jean Poiret La Cage aux folles.
 

© Julien Benhamou

Pour Hello, Dolly !, la source était une pièce écrite en 1938 et remaniée en 1954 par Thornton Wilder, elle-même inspirée d’une comédie autrichienne du XIXsiècle. En soixante ans, la marieuse de la comédie musicale a naturellement connu plusieurs visages, à commencer par sa créatrice, Carol Channing, présente à Broadway en 1964, mais également en 1978 pour une reprise, et même encore en 1995. A Londres, la plus récente Dolly n’est autre qu’Imelda Staunton, la dernière interprète de la reine Elizabeth II dans The Crown. Au cinéma, dans un film réalisé par Gene Kelly, Barbra Streisand fut Dolly en 1969, non sans avoir d’abord refusé le rôle car elle s’estimait, à juste titre, beaucoup trop jeune, mais son récent succès dans Funny Girl avait fait d’elle une star incontournable (et même si l’argument de sa judéité ne tenait guère, puisque Dolly, veuve Ephraïm Levi, porte le nom de jeune fille bien irlandais de Gallagher). Au printemps 1972, c’est Annie Cordy qui incarna Dolly dans une adaptation française donnée d’abord au Grand Théâtre de Nancy, puis au Théâtre Mogador.
 

© Julien Benhamou

Au Lido, c’est la Britannique élevée en Australie Caroline O’Connor qui prête ses traits et sa voix à Dolly. En France, le public a pu l’applaudir en Mrs Lovett dans Sweeney Todd au Châtelet en 2011. Si l’interprète a désormais l’âge de l’œuvre, elle incarne la marieuse avec beaucoup de chic, à mi-chemin entre les accents canaille de Carol Channing et le ton plus rêveur de Barbra Streisand. Face à elle, Peter Polycarpou est un Horace Vandergelder bougon à souhait, mais le personnage a assez peu à chanter. Le couple de jeunes premiers est incarné avec beaucoup de charme et de brio par Monique Young (elle était l’héroïne de 42nd Street au Châtelet en 2016) et Carl Au, secondés par Reece McGowan et Chrissie Bhima. Autour d’eux, l’ensemble de chanteurs-danseurs livre une prestation aussi impeccable qu’on s’y attend, sous la baguette de Nigel Lilley.
 

© Julien Benhamou

La mise en scène est confiée au chorégraphe Stephen Mear, qui a monté Hello, Dolly ! en 2010 en plein air à Londres. Le public parisien est familier de ses productions (On the Town, Chantons sous la pluie…). Pour 42nd Street, il avait déjà Peter McKintosh pour costumier et décorateur : le décor, qui installe cette fois l’orchestre à l’étage, inclut l’inévitable grand escalier pour que Dolly puisse faire une entrée spectaculaire au second acte et se transforme rapidement pour évoquer les différents lieux de l’action, les costumes traduisant joliment l’époque 1900, avec l’inévitable robe rouge (plutôt bordeaux et or) pour la grande apparition de Dolly au restaurant, là où au cinéma, Barbra Streisand arborait les vingt kilos du costume en or et pierres précieuses qu’avait conçu Irene Sharaff …

Laurent Bury

 

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M. Stewart & J. Herman : Hello, Dolly !  – Lido de Paris, 8 novembre 2024 ; jusqu’au 5 janvier 2025 // lido2paris.com/fr/

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