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Hommage à Olivier Greif au CNSM de Paris - Une rétrospective aussi passionnante qu’édifiante – Compte-rendu
L’Association Olivier Greif (1) et les élèves du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris ont donné en concert, sous la férule du pianiste Michel Dalberto, des œuvres emblématiques du compositeur, décédé en 2000. Un programme qui a mis en lumière sa pensée, aussi polyphonique que multiple.
Olivier Greif & Leonard Bernstein à New York en janvier 1979 © Association des amis d'Olivier Greif
C’est peu dire qu’Olivier Greif (3 janvier 1950-23 mai 2000) a marqué sa génération, tant par les péripéties de sa vie que par un univers musical où se côtoyaient les extrêmes. Pianiste prodige autant que compositeur d’exception, il a fréquenté Nadia Boulanger et Luciano Berio aussi bien que Mick Jagger, Andy Warhol, Leonard Bernstein ou Salvator Dali. Il a vécu dans la frénésie pianistique ou créatrice, comme dans l’inaction de la retraite spirituelle. Ceux qui l’ont connu, autant que ceux qui abordent sa musique, lui reconnaissent une part de mystère et d’originalité : « Sans être disert, Olivier était quelqu’un de très entier et de très intense, avec un sens de l’humour très fort, rapporte ainsi Michel Dalberto en préambule au concert. Il m’a ouvert à des compositeurs comme Bruckner, Mahler, Wagner ou Brahms, dont j’ai joué avec lui la Sonate à deux pianos. Puis, pendant treize ans, il s’est retiré dans une secte, en quête de spiritualité, avant de revenir à la vie publique en 1993, avec ce qui semblait être l’envie de rattraper le temps perdu ».
Michel Dalberto et Nikolaus Fluck © Michel Grinand
Trente-et-un ans de musique syncrétique
Ce retour aux sources explique sans doute la continuité du style de composition entre les deux époques, comme l’ont mis en évidence les pièces choisies pour un concert hommage rassemblant Michel Dalberto et plusieurs élèves du CNSMDP : Nikolaus Fluck, Hélène Fouquart, Thomas Dupont, Joseph, Victor et Justine Metral (réunis dans le Trio Metral), Diana Cooper et Eve-Melody Salom. Les œuvres les plus récentes, Portraits et Apparitions (1999), Le Livre des Saints Irlandais (1997) et le Trio pour piano, violon et violoncelle (1998), sont proches par le traitement du In Memoriam pour piano composé en 1969, et du Tombeau de Ravel pour piano à quatre mains, de 1975. Toutes contiennent une simultanéité de lignes mélodiques qui s’opposent ou s’accompagnent, soit que l’une, souvent la plus sombre, paraisse commenter la plus claire, soit qu’elles se rejoignent dans l’osmose où l’écho. Le monde musical d’Olivier Greif est simultanéité d’ambiances ou « entrelacs polyphonique », comme en avertissait le dépliant du concert.
Le Trio Metral © Michel Grinand
Théâtralisation et Surréalisme
A cela s’ajoute une théâtralisation virtuose de la composition qui donne à chaque pièce un intérêt extraordinaire. Comment ne pas être saisi par le silence, puis le brutal cluster au commencement du Trio pour piano, violon et violoncelle, défendu par le dynamique Trio Metral ? Comment ne pas voir les reflets musicaux qui scintillent dans le Portrait de Mildred avec miroir, interprété avec grande sensibilité par Michel Dalberto ? Et l’opposition, dans le Livre des Saints Irlandais, qu’a chanté le baryton Nikolaus Fluck accompagné de Michel Dalberto, entre les mélodies irlandaises mélancoliques et les sombres accents pianistiques qui les commentent transcrit le scepticisme du compositeur vis-à-vis de la naïve spiritualité des hommes. La musique d’Olivier Greif montre l’univers qu’il est : multiple et divers dans la simultanéité, et ses lignes prodigieuses tiennent d’un surréalisme mélodique. Le concert en fut passionnant. On ne peut que regretter que le compositeur soit peu inscrit dans les programmes des concerts. Son Requiem pour double chœur a cappella, en particulier, est à nos yeux un sommet de l’art choral.
Michel Grinand
Paris, CNSMD, 8 mars 2018
(1) Site de l’Association des amis d’Olivier Greif : www.oliviergreif.com
Photo Oliviier Greif © Isabelle de Rouville
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