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Il Palazzo incantato de Luigi Rossi à l’Opéra de Dijon – Fabrice Murgia, enchanteur prometteur – Compte-rendu
© Gilles Abeg
L’œuvre ? Le tout premier opéra – de 1642 – de Luigi Rossi (1597-1643) qui, pour avoir abordé le genre sur le tard, à 45 ans, prodigue dès ce coup d’essai les merveilles qu’on retrouve peu après dans son bien plus célèbre Orfeo (1647), notamment ces monologues où les personnages se livrent à une introspection que la musique soutient idéalement. Merci à Leonardo García Alarcón d’avoir remonté cette partition qui dormait depuis quelques siècles à la bibliothèque du Vatican, et de l’avoir parée de toute la somptueuse gamme de couleurs que suppose une intrigue peuplée de géants et de nains, qui fait chanter les ruisseaux et les nymphes.
© Gilles Abegg
Pour donner à voir le palais-labyrinthe où le mage Atlante enferme Roland, Roger, Angélique, Bradamante et autres protagonistes bien connus grâce à Haendel ou Vivaldi, Vincent Lemaire imagine un espace protéiforme, qui est à la fois hôtel, prison, bordel, hôpital ou aéroport, dont les transformations sont démultipliées par les images filmées et diffusées en direct. Malgré le risque que l’on s’intéresse plus à la projection qu’à son double réel, force est de reconnaître le talent d’acteur des chanteurs ici réunis, qui résistent parfaitement à l’épreuve du gros plan, parfois si cruelle dans les DVD. A l’apparente familiarité de ces univers modernes se superpose l’étrangeté permise par les métamorphoses du magicien et par la présence magnétique de deux danseurs, sans oublier une demi-douzaine de figurants.
Pas moins de treize solistes se partagent les différents personnages. Toutes les voix féminines sont présentées comme sopranos, mais avec une belle diversité dans les timbres : opulence et couleurs fauves de Mariana Flores, intensité de l’émotion pour Arianna Vendittelli, légèreté mais expressivité chez Deanna Breiwick, séduisantes nuances argentées pour Lucía Martín-Cartón. On reste bluffé par la puissance et la souplesse du contre-ténor polonais Kacper Szelążek. Plusieurs ténors à l’affiche, eux aussi parfaitement diversifiés, de la haute-contre de Mark Milhofer, impressionnant Atlante, à la douceur de Fabio Trümpy, en passant par la noblesse de Valerio Contaldo ou la véhémence d’André Lacerda, auxquels on peut adjoindre le baryton clair de notre compatriote Victor Sicard. Deux basses complètent cette distribution : Alexander Miminoshvili et Grigory Soloviov.
Bravo et merci à l’Opéra de Dijon, et regrettons une fois de plus que la municipalité n’ait pas jugé bon de laisser Laurent Joyeux poursuivre une trajectoire émaillée de redécouvertes (La finta pazza, etc.) et de spectacles magnifiques (Les Boréades).
Laurent Bury
Luigi Rossi : Il Palazzo incantato – Dijon, Opéra, (retransmission sur opera-dijon.fr)
Les 11, 13, 15 et 17 décembre 2020 à 20h (durée 3h45)
Puis en replay jusqu’au 31 décembre 2020.
opera-dijon.fr/fr/au-programme/calendrier/saison-20-21/le-palais-enchante/
Photo © Gilles Abegg
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