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Jean Paul Gasparian au 34e Festival Chopin à Paris - Une jeunesse dévorante - Compte-rendu
C’est un cas d’école : une tête bien faite et bien pleine, une mémoire hors normes, des doigts fabuleux, de ceux qui font les plus grands virtuoses. Partout, des débuts flatteurs, des récompenses prestigieuses, et une personnalité qui ne laisse personne insensible. On l’avait constaté à plusieurs reprises, et la Fondation Vuitton, qui trie ses invités sur le volet, l’avait convié déjà ! Derrière cette ascension fulgurante, des maîtres forts, le rigoureux Jacques Rouvier, le lumineux Bertrand Chamayou, notamment.
On se demandait donc comment, sur une telle lancée, Jean-Paul Gasparian allait évoluer. Et là des questions nous assaillent : invité à Bagatelle, où tant de poésie suinte des jardins et des murs de l’Orangerie qui depuis des décennies ont entendu résonner la voix de Chopin et de ses descendants, il se trouvait donc confronté à un espace intimiste, où le son se doit d’être dosé avec une extrême prudence, même si les interprètes n’ont que peu de temps pour en prendre la mesure.
Hors, d’emblée, son Chopin s’est imposé comme agressif, combattif, stressant par la violence sonore qui sourdait de ces doigts d’acier. Violente Troisième Ballade, op. 47, un Nocturne assez tonique pour se remettre de ce choc, celui en ré bémol majeur, op. 27 n°2, et de nouveau un rythme terriblement soutenu pour la Première Ballade, op.23, là où l’on attendait quelque rêve, quelque pose mélancolique, à laquelle le jeune homme dit pourtant qu’il est très sensible. Emotion du moment peut-être, pour ce garçon de 22 ans qui a pourtant déjà beaucoup couru les salles de concert, tout se précipitait avec une intensité dans les décibels plus que dans l’expression qui enlevait sa clarté à la coda de la Première Ballade, dont l’emportement, pour frapper juste, gagne sans doute à être nourri de quelques doutes dans les moments qui l’ont précédée.
Bien évidemment, là où on regrettait cet excès de précipitation dans Chopin, on l’a plus apprécié dans Scriabine, Sonate-Fantaisie op.19, fantasque et finement contournée, et surtout pour la Deuxième Sonate de Prokofiev, op.14 , où le sarcasme était roi, et la virtuosité flamboyante, à juste titre. On en est sorti avec des émotions contrastées, espérant qu’après ces élans fracassants, lesquels auraient sûrement sonné plus juste dans une grande salle de concerts, le virtuose va s’octroyer le temps de la réflexion, de la respiration, pour trouver en lui le poète qui sommeille. On y sera attentif !
Jacqueline Thuilleux
Paris, Orangerie de Bagatelle, le 25 juin 2017. Festival Chopin à Paris, jusqu’au 14 juillet 2017. www.frederic-chopin.com
Photo © Anthony Allard
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