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"Jeunes solistes de l'orgue" au Festival de Radio France et de Montpellier - Trois questions à Yves Rousseau
Du 11 au 26 juillet, sept jeunes musiciens donneront deux récitals chacun sur des orgues historiquement et esthétiquement divers de la Région Languedoc-Roussillon : de la merveille de Roquemaure (1690) à l'orgue du Vigan (2002). Responsable de la série Jeunes solistes de l'orgue, Yves Rousseau s'explique sur la présence d'un cycle de quatorze récitals d'orgue au sein du Festival de Radio France et sur la programmation 2012.
Comment un cycle d'orgue « hors les murs » a-t-il trouvé à s'intégrer au Festival de Radio France et de Montpellier ?
Yves Rousseau : Je souhaitais programmer des récitals d'orgue dans le cadre d'un vrai festival professionnel touchant tous les genres instrumentaux : le Festival de Radio France et de Montpellier Languedoc-Roussillon (opéra, musique symphonique, musique de chambre, récitals de solistes, jazz, musique du monde...) semblait donc le cadre idéal. Presque exclusivement dans les églises et isolé, l'orgue est toujours oublié des programmateurs ! Il y a trois ans, Jany Macaby, administrateur du Festival, avait été sensible au lien étroit existant entre orgue et patrimoine. Non seulement les collectivités territoriales financent l'entretien ou la restauration des instruments, mais ceux-ci sont aussi bien souvent de somptueuses œuvres d'ébénisterie dans des lieux splendides : adéquation parfaite entre musique et patrimoine. Les cinq départements de Languedoc-Roussillon comptent plus de 200 instruments, certains régulièrement mis en valeur par des initiatives locales – ainsi Saint-Guilhem-le-Désert avec son festival d'été.
Ce qui m'intéresse dans cette démarche, c'est l'éclairage particulier dont peuvent bénéficier des instruments souvent méconnus dès lors qu'ils sont réunis au sein d'une même programmation. C'est la troisième année consécutive que le Festival organise ces récitals d'orgue. La saison dernière, le choix avait été de donner sept récitals dans les seules Pyrénées-Orientales, notamment sur le magnifique Cavaillé-Coll de la cathédrale de Perpignan. Cette année, il y aura quatorze récitals dans autant de villes de l'Hérault, du Gard, de l'Aude et des Pyrénées-Orientales !
Comment se fait la programmation et pourquoi les concerts ne sont-ils pas enregistrés par Radio France ?
Y. R. : Le festival dispose depuis sa création d'un cycle jeunes solistes : il nous a semblé judicieux de le prolonger à l'orgue, écornant ainsi l'image de la vieille demoiselle ou du vieux monsieur qui « tient » l'orgue le dimanche... Faisant depuis plusieurs années des recherches sur les instruments de la région, j'ai dressé une liste d'instruments que je désirais voir et jouer ; après quoi, avec l'équipe du festival, nous avons sillonné les routes à la découverte de ces orgues. Depuis trois ans, nous avons eu la chance de trouver des instruments non seulement magnifiques mais aussi parfaitement entretenus et régulièrement accordés. La région est riche d'œuvres de la dynastie des Cavaillé – le célèbre Aristide Cavaillé-Coll (1811-1899) est né à Montpellier –, mais aussi de beaux témoignages des facteurs Puget de Toulouse. J'ai découvert cette année des facteurs lyonnais que je ne connaissais pas, Beaucourt et Voegli, auteurs de plusieurs instruments dans la région, ainsi à Beaucaire, dans le Gard. On y trouve aussi des instruments récents, tel celui de Claude Berger au temple du Vigan.
Nous avons finalement proposé à de jeunes organistes de donner chacun deux récitals, sur des instruments différents donc avec des programmes différents. Tous sont des talents déjà confirmés, issus ou pour certains encore au Conservatoire Supérieur de Musique de Paris, déjà grands prix ou lauréats de concours internationaux ou ayant effectués des résidences à l'étranger. Coralie Admejkane (qui a été en résidence à Sapporo, au Japon – la grande salle de concert renferme un orgue français), Marie Faucqueur, Paul Goussot, Samuel Liégeon, Virgile Monin, Thomas Ospital et Pierre Queval se partageront ces quatorze récitals sur les orgues du Vigan, de Bagnols-sur-Cèze, Roquemaure, Montréal-de-l'Aude, Sigean, Clermont-l'Hérault, Céret, Beaucaire, Nîmes, Saint-Hippolyte-du-Fort, Saint-Laurent-de-la-Salanque, Montagnac, Lunel et Aniane. Deux idées sous-tendent l'édition 2012 : Bach, dans cette région qui compte nombre de temples protestants, mais aussi et surtout l'improvisation, fil conducteur de plusieurs programmes. Hommage sera ainsi rendu à l'école française des organistes-improvisateurs, de Tournemire à Cochereau, en particulier à Montréal-de-l'Aude et à Sigean, instruments que Pierre Cochereau à fréquenté régulièrement, mais aussi à Céret. Lors de la première édition de ce cycle, les concerts avaient été enregistrés par Radio France. Cette année, comme l'année dernière, Radio France n'enregistre que les concerts donnés à Montpellier ! C'est bien dommage, car les enregistrer permettrait de constituer une collection patrimoniale.
Comment se porte aujourd'hui le concert d'orgue ?
Y. R. : Pas très bien ! Si les concerts d'orgue faisaient le plein à l'époque des récitals du Palais de Chaillot, jusque dans les année 60, la vie de l'orgue repose depuis sur le dévouement d'associations « d'amis de l'orgue » qui, faute de moyens, doivent faire avec, ou plutôt sans ! C'est devenu aujourd'hui très difficile : s'il faut toujours plus de moyens, c'est aussi qu'il n'est plus possible de « bricoler » – et les subventions municipales sont maigres voire nulles. Il est vrai que le monde de l'orgue est souvent resté fermé sur lui-même et que les curés ne sont pas toujours arrangeants pour que des concerts soient organisés, moins encore si les places sont payantes. Le drame, c'est qu'un artiste de même talent engagé pour un festival – un pianiste, un violoniste ou une chanteuse – aura un cachet « normal », voire important, selon sa notoriété – alors que l'organiste, dans la plupart des cas, repartira avec l'équivalent d'une quête…
Voilà pourquoi il faut sensibiliser les festivals pour qu'ils programment des concerts d'orgue, d'autant que les festivals d'été reçoivent leurs subventions des départements et/ou des régions. Il en va de même pour les saisons d'hiver : les programmateurs officiels (salles, scènes nationales, théâtres...) devraient intégrer un ou deux récitals, donnés dans les églises. À l'instar des festivals exclusivement ou principalement consacrés à l'orgue – Chartres, Toulouse les Orgues, Contrepoints 62, Masevaux, les Orgues de l'Aisne en concert… – certains festivals d'été comme La Roque d'Anthéron ou le Festival du Périgord Noir programment des récitals d'orgue. Un exemple à suivre !
Propos recueillis par Michel Roubinet, le 1er juillet 2012
Cycle d'orgue (11-26 juillet 2012) du Festival de Radio France et de Montpellier Languedoc-Roussillon : http://www.festivalradiofrancemontpellier.com/
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Photo : Jean-Baptiste Millot
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