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Jiří Kylián par le Ballet de l’Opéra de Paris - Des charmes variés de l’onirisme – Compte-rendu
On sait l’admiration des danseurs parisiens pour le maître tchèque dont le nom ne se prononce qu’avec un immense respect, en levant les bras au ciel d’enthousiasme. Et certes, Jiří Kylián (né en 1947) est aujourd’hui l’une des rares icônes de la danse néoclassique. L’Opéra, qui compte plusieurs pièces de lui, en ajoute ici deux qui n’y étaient pas encore rentrées dans son répertoire, en dehors du classique Bella Figura, donné ici de nombreuses fois depuis 2001. En fait, ce programme Kylián est dû à Aurélie Dupont, la nouvelle directrice de la danse, puisqu’une création de Millepied, couplée avec deux autres pièces contemporaines, était prévue et a bien évidemment sauté, du fait du départ de celui-ci.
Bella Figura © Ann Ray / Opéra national de Paris
Voici donc le ballet de l’Opéra à son affaire avec le style de ce créateur peu accessible, mais qui n’en demeure pas moins séduisant, voire fascinant par la beauté des tableaux qu’il est capable de construire. On retrouve l’air connu de Bella Figura, sur des pièces de la renaissance italienne, où le chorégraphe dit vouloir explorer la frontière ténue entre le costume et le déguisement, le rêve et la réalité des attitudes théâtrales, avec des silhouettes délicatement érotiques et contournées, qui ondulent comme des algues en ayant l’air de flotter dans leur propre identité. Du baroque et de ses distanciations, on effleure la sophistication codée du Nô ! On y admire particulièrement Alive Renavand, omniprésente comme à l’accoutumée, au sein d’un petit groupe où apparaissent de multiples étoiles, qui tous jouent la pièce de façon plus théâtrale qu’auparavant, pour le meilleur de cet univers sophistiqué.
Tar and Feathers © Ann Ray / Opéra national de Paris
Autre volet de ce tryptique Kylián, Tar and Feathers (goudron et plumes), une pièce de 2006, qui se veut expressionniste, et à laquelle on ne comprend rien. Un piano suspendu sur lequel la pianiste et plasticienne très branchée Tomoko Mukaiyama enfonce quelques notes en état de grande inspiration, des danseurs en couleurs sombres dont la vie paraît plus que pesante, et se contorsionnent comme des pantins, en face d’eux un troupeau d’anges bariolés, à l’horrible maquillage de cirque, qui revendiquent leur non existence. Marionnettes tchèques, expressionnisme allemand ? Le style est ici vaseux, et le résultat ennuyeux.
Symphonie de Psaumes © Ann Ray / Opéra national de Paris
Heureusement, avec la Symphonie de Psaumes, ballet emblématique du Nederlans Dans Theater depuis sa création en 1978, on retrouve la belle patte du maître, non seulement parce que la superbe musique de Stravinsky mène le jeu mais aussi parce que là les danseurs dansent vraiment, et font passer de couple en couple la force des psaumes et l’élan spirituel qui les anime, sur un magnifique fond de tapis écarlates, qui donnent une sensualité réconfortante à l’ensemble. Les étoiles présentes semblent convaincues, notamment Eleonora Abbagnato et Stéphane Bullion, très en forme, et outre ces valeurs sûres, on découvre avec intérêt la personnalité et la superbe gestique tranchée d’un jeune danseur que l’on suivra avec attention, le vif et expressif Pablo Legasa, un quadrille qui ne démérite pas entre de plus hautes pointures.
Jacqueline Thuilleux
Spectacle Jiří Kylián (Bella Figura, Tar and Feathers, Symphonie de Psaumes) – Paris, Palais Garnier, 29 novembre ; prochaines représentations les 5, 6, 8, 10, 11, 13, 14, 16, 17, 18, 20, 21, 23, 24, 27, 28, 29, 30 & 31 décembre 2016. www.operadeparis.fr
Photo (Symphonie de Psaumes) © Ann Ray / Opéra national de Paris
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