Journal
Julie Fuchs, Enrique Mazzola et l’Orchestre national d’Île-de-France – Jubilation belcantiste
L’une des plus belles voix françaises
Au disque, en concert et à l’opéra, on le retrouve en ce début d’année au côté de Julie Fuchs. L’album intitulé « Mademoiselle » sort tout juste (chez DG), occupé pour l’essentiel par des airs d’opéras italiens, un manière « d’hommage au romantisme italien » selon le chef. Un répertoire que l’Orchestre national d’Île-de-France a beaucoup fréquenté depuis l’arrivée de Mazzola en 2012. Au Théâtre des Champs-Elysées, une série Rossini a permis d’entendre en version de concert La scala di seta, Il signor Bruschino, L’occasionne fa il ladro et un tonique disque d’ouvertures (« Bel canto amore mio » chez NoMadMusic) a lui aussi mis en valeur une phalange désormais très à son aise dans cette musique. « Ils ont acquis une maturité en matière de coup d’archet, de légèreté, de staccato », se félicite le chef. Ces qualités s’illustrent une fois de plus dans le récital enregistré avec Julie Fuchs, « l’une des plus belles voix françaises ; une artiste promise à une carrière formidable. »
« Nous avons pris notre temps, reconnaît Mazzola. Enregistrer un disque pour une voix aiguë, ténor ou soprano, c’est vraiment un marathon. Julie est quelqu’un de très précis ; elle a une idée très claire du résultat auquel elle veut parvenir. Elle est très concentrée dans le travail. Pas de téléphone, rien qui viendrait la distraire ; elle est là ! Et quand elle commence à chanter, c’est de l’art pur ; le sentiment est juste ; la compréhension du texte parfaite : quel bonheur pour le chef italien que je suis ! Au cours cet enregistrement, Julie a géré de façon fantastique l’emploi du temps, sa voix et, en toute humilité, je pense que nous sommes parvenus à un résultat magnifique, varié, avec des raretés et des choses bien plus connues. »
Il Turco in Italia à Zurich
Entrecoupés de pages orchestrales, des airs figurant sur ce disque formeront le programme des deux concerts que Julie Fuchs partage avec Enrique Mazzola et ses musiciens, à la Philharmonie de Paris, le 7 mars, puis, le surlendemain, à Aix, au Grand Théâtre de Provence. Une fois passées ces deux dates attendues, Fuchs et Mazzola n’en auront pas pour autant fini avec le répertoire italien : Rossini et son Turco in Italia les attendent à l’Opéra de Zurich pour neuf représentations, du 28 avril au 29 mai, dans une mise en scène de Jan Philipp Gloger. Avec Nahuel Di Pierro en Selim et Renato Girolami en Don Geronio, la proposition s’avère pour le moins alléchante. (1)
Chant d’adieu italien
Une semaine après les deux concerts avec Julie Fuchs, le maestro retrouvera l’Orchestre national d’Île-de-France dans la 5ème Symphonie de Mahler pour trois dates, à Paris (15/03), Maisons-Alfort (16/03) et Villejuif (17/03). Ce changement total de répertoire et de style ne pourra que souligner la souplesse de l’outil que Mazzola est parvenu à forger au fil des ans. Quant au programme suivant, en mai, le tout dernier du directeur musical avant le passage de relai avec son successeur, l’Américain Case Scaglione, c’est à l’Italie qu’il le dédie : Preludio sinfonico de Puccini, Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov (avec Alexandre Gavrylyuk au clavier), Fontaines et Pins de Rome de Respighi. « Mon chant d’adieu », dit le maestro d’un programme qu’il dirigera en tournée au Mée-sur-Seine (12/05), Saint-Quentin-en-Yvelines (15/05), Saint-Michel-sur-Orge (17/05) et Yerres (19/05), avant de conclure à la Philharmonie de Paris (22/05).
Un choix de vie
Inutile de préciser que Mazzola voit arriver cette dernière série avec un fort pincement au cœur. « L’Ondif a été l’une des expériences les plus formidables de ma vie, reconnaît-il. C’est une phalange généreuse, constituée de musiciens merveilleux, qui m’a permis de découvrir le public francilien. J’habitais à Berlin avant d’être nommé à l’Ondif et j’ai choisi de déménager pour partager la vie en France, avec mon public. Il ne s’agissait par seulement pour moi de prendre un poste musical ; c’était choix de vie. Je suis devenu citoyen français, j’ai vécu les bons et les mauvais moments avec l’Orchestre – on se souvient des difficultés budgétaires au moment de mon arrivée – ; ça été une belle histoire et, pourquoi le cacher ?, je suis très triste de partir. »
A Salzbourg avec les Wiener Philharmoniker
Un chapitre se referme dans la carrière de Mazzola et, dans l’immédiat, de magnifiques perspectives s’ouvrent à lui en matière lyrique. Juin verra ses débuts à la Staatsoper de Vienne dans Don Pasquale, avant un Rigoletto en juillet au Festival de Bregenz, avec l’Orchestre symphonique de Vienne. Et ce sont les Wiener Philharmoniker qu’il aura le privilège de diriger, en août au Festival de Salzbourg, dans Orphée aux enfers. Quant à 2019-2020, une Luisa Miller l’attend outre-Atlantique, seul titre pour le moment connu de la prochaine saison du Lyric Opera of Chicago.
Quant à un nouveau poste de directeur musical ici ou là, Enrique Mazzola ne cache pas qu’il y réfléchit, mais « ne peut rien dire pour le moment. » Heureux orchestre en tout cas que celui saura faire appel à un artiste conjuguant d’aussi admirable façon musicalité, humanité et enthousiasme.
Alain Cochard
(Entretien avec Enrique Mazzola réalisé le 14 février 2019)
(1) www.opernhaus.ch/en/spielplan/calendar/il-turco-in-italia/season_50348/
Concerts avec Julie Fuchs
7 mars 2019, Paris, Philharmonie :
www.concertclassic.com/concert/julie-fuchs-0
9 mars 2019, Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence
www.concertclassic.com/concert/julie-fuchs-1
Site de l’Orchestre national d’Île-de-France : www.orchestre-ile.com/
Photo © Eric Laforgue
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