Journal
Kotaro Fukuma en récital aux Nuits du Piano / Salle Cortot – De Vienne à Paris – Compte-rendu
Le programme que Fukuma offre au public très fourni de la salle Cortot – M. Masato Kitera, Ambassadeur du Japon en France, est présent – dans le cadre de la série « Nuits du Piano Paris » de Patrice Moracchini se veut hommage à deux capitales musicales, Vienne et Paris. Fantaisie en ut majeur Hob. XVII.4 : ce Haydn tardif (1789), débordant d’invention et de liberté, trouve un interprète au jeu remarquablement dessiné, ferme mais sans sécheresse, sachant saisir les humeurs changeantes de la pièce avec une parfaite fluidité.
La Sonate en si bémol majeur D.960 s’est inscrite il y seulement quelques mois au répertoire de Kotaro Fukuma, mais frappe déjà par la cohérence du propos, son originalité aussi ; on n’y trouve aucune volonté de « testamentariser » l’ultime sonate du compositeur autrichien, de la surcharger de funestes pressentiments. Tempi retenus pour les deux premiers volets : le Molto moderato semble s'écouler entre les images d’un rêve, avant que l'Andante sostenuto n'exhale une solitaire poésie, sans dramatisation forcée. Lumineux, le scherzo se révèle con delicatezza à souhait, tandis que l’Allegro ma non troppo traduit des atmosphères plus ambiguës. Schubert au pays de l’Ukiyo-e : résultat fascinant et auditoire littéralement « scotché » !
Le Nocturne n°2 de Fauré ouvre la marche, svelte et décanté, avant l’Hommage à Edith Piaf (15ème Improvisation) de Poulenc, d’un lyrisme aussi touchant que sincère. On ne résiste pas plus à l’arrangement que Kotaro Fukuma a signé de la valse Je te veux de Satie. Charme, humour, brio : tout y est, servi par un jeu plein de couleurs ! Il fait autant merveille dans trois Trenet/Weissenberg (Coin de rue, Vous oubliez votre cheval, En avril à Paris), des pages que Fukuma a bien raison de défendre (elles ont été éditées par les soins Marc-André Hamelin chez Muse Press à la fin de l’année dernière). Retour à la valse enfin, Valse tragique, celle de Ravel (arrangée par K. Fukuma) que l’interprète, après avoir fait scintiller les lustres de salle de bal, emporte de radicale et vertigineuse façon.
Trois bis : une chanson traditionnelle japonaise arrangée par Weissenberg, l’époustouflante Soirée de Vienne de Strauss/Grünfeld et, enfin, Parlez-moi d’amour transcrit par le pianiste. Kotaro Fukuma ne se contente pas d’aimer la France et sa culture, il les comprend.
Les apparitions de l'artiste japonais dans l’Hexagone ne manqueront pas durant les semaines à venir : Piano(s) Festival de Lille (15/06), Festival des Abbayes (30/06), Auvers-sur-Oise (3/07) et Festival Chopin de Bagatelle (9/07), où on l’a déjà entendu et auquel il destine un programme, aussi original qu'inédit, autour du nocturne et de la valse.
Alain Cochard
Paris, Salle Cortot, 20 mai 2019 / www.kotarofukuma.com/concerts
Les Nuits du Piano : http://paris.lesnuitsdupiano.fr/
Photo © Jean-Baptiste Millot
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