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La Défense d’aimer de Wagner à l’Opéra national du Rhin – Enfin française ! – Compte-rendu
Jamais représentée en France (pas même en version de concert), La Défense d’aimer de Richard Wagner constituait l’un des spectacles les plus attendus de la saison de l’Opéra national du Rhin. Grâce au talent d’une équipe très investie, Marc Clémeur, directeur de l’institution lyrique alsacienne, peut se targuer d’avoir fait de cette création une franche réussite.
Un ouvrage de jeunesse, imparfait, empli d’influences diverses (italiennes, françaises, germaniques ; un zeste de Weber, beaucoup de Mozart) ? Certes, mais chaque chose en son temps. Wagner n’a que 22 ans lorsqu’il compose Das Liebesverbot. Les prémices de Tannhaüser que l’on y découvre sont certes chose frappante, mais plus généralement, comme le souligne le chef Constantin Trinks, on ne peut qu’être surpris par la manière dont la musique « sert parfaitement l’intention dramatique ». L’orchestre montre une dimension agissante, motrice dans le déroulement de l’action, ce que le compositeur ne fera qu’approfondir par la suite.
Constantin Trinks © DR
A propos d’orchestre, il convient de saluer d’abord l’énergie et le sens de la couleur de Constantin Trinks (fin connaisseur de la partition pour l’avoir dirigée dans le cadre du « off » de Bayreuth) à la tête d’un Orchestre Philharmonique de Strasbourg en très belle forme. Son sens des atmosphères va de pair avec un élan et une fluidité qui épargnent tout temps mort au spectacle. Le jeune maestro allemand (par ailleurs directeur musical de l’Opéra de Sarrebruck) fait corps avec la régie vivante, inventive et finement réglée de Mariame Clément, dans une scénographie et des costumes de Julia Hansen, qui a disposé des moyens de traiter Das Liebesverbot avec autant de soin qu’un grand ouvrage du répertoire – on a dû se régaler à l’atelier de costumes !
© Klara Beck
La metteuse en scène oublie Palerme, ses bouges et ses tavernes, pour transposer l’action à l’époque moderne dans le cadre – décor unique – d’un grand café autrichien ou bavarois, comme on voudra, dans lequel Brighella et ses sbires débarquent en culotte de peau pour refroidir les envies de fête et de plaisir – et la gent féminine de se retrouver illico avec un fichu sur la tête ! Et la scène au couvent du I ? Licence envers le livret, les sœurs deviennent les serveuses du café et l’action se déroule nuitamment dans la salle déserte.
Pas de temps mort non plus côté régie. M. Clément exploite toutes les situations avec vitalité et humour. Le chœur se révèle être un protagoniste de premier plan, admirablement bien préparé par Sandrine Abello. Et quel délice, vers la fin du II de voir la joyeuse compagnie débarquer dans des déguisements de carnaval qui représentent les personnages des grands opéras wagnériens, à commencer par ceux de la Tétralogie (les filles du Rhin, les deux géants et même le dragon n’ont pas été oubliés ! ).
© Alain Kaiser
Réaliste et loufoque, pour reprendre les termes de M. Clément, cette Défense d’aimer bénéficie d’un distribution d’une homogénéité et d’un niveau remarquables. Car Wagner exige déjà beaucoup de ses chanteurs dans des rôles toujours bien dessinés. Robert Bork (Friedrich) et Wolfgang Bankl (Brighella) sont parfaits vocalement et dans leurs incarnations de représentants de l’ordre. Benjamin Hulett campe un fringant Luzio, face au Claudio non moins convaincant de Thomas Blondelle – que l’on retrouve avec bonheur à l’Opéra du Rhin après son magnifique Erik dans la production du Fliegende Holländer de Claus Guth début 2014. Et l’on n’oublie pas Andreas Jaeggi, qui traduit tout l’opportunisme lâche de Pontio Pilato, ni Norman Patzke, Danieli Stylé
Chez les dames, Marion Ammann se confronte avec aplomb et sensibilité au redoutable emploi d’Isabella, tandis qu’Agnieska Slawinska, une ancienne de l’Opéra Studio de l’OnR, apporte à Marianna autant de musicalité que de richesse de timbre.
Les anciens ou actuels pensionnaires de l’Opéra Studio se distinguent d’ailleurs dans cette production : Hanne Roos, Dorella piquante et sexy, Peter Kirk (Antonio) et Jaroslaw Kitala (Angelo) ; autant de jeunes voix à suivre près.
Encore quatre dates à Strasbourg et deux à Mulhouse pour goûter à une savoureuse création.
Alain Cochard
Wagner : La Défense d’aimer ( création française) – Strasbourg, Opéra, 8 mai. Prochaines représentations les 13, 17, 19 et 22 mai, puis ( à Mulhouse –La Filature) les 3 et 5 juin 2016 / www.concertclassic.com/concert/das-liebesverbot-de-wagner
Photo © Klara Beck
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