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La Flûte enchantée à Nantes – Entre légèreté et ombre – Compte-rendu
La Flûte enchantée à Nantes – Entre légèreté et ombre – Compte-rendu
On découvrait cette Zauberflöte selon Patrice Caurier et Moshe Leiser voici un peu plus de sept ans, échappant au tumulte de la Folle Journée, confronté dans le cadre idéal de Graslin à une œuvre qu’on avait vu si souvent dévoyée, encore tout récemment alors par la Fura dels Baus. Et soudain, on retrouvait notre Flûte enchantée de toujours, plus proche du singspiel de Schikaneder que des mystères pseudo-maçonniques, légère, pleine d’esprit, comme avec un souvenir du film de Bergman (les animaux dansant !) mais aussi soudainement menaçante, avec son Sarastro géant portant sur son épaule un chevreuil abattu à la chasse qui, lors des épreuves de Tamino et de Pamina, est jeté des cintres tel un terrible avertissement.
photo © Jeff Rabillon
Ce n’est d’ailleurs pas tout pour le côté sombre : ce peuple en gris, immobilisé plus d’une fois, respire la terreur. Le royaume de Sarastro n’est pas ce paradis maçonnique, mais bien un régime totalitaire. Pour un peu on se vouerait volontiers au royaume des ténèbres, avec sa Reine Cruella incroyablement sophistiquée, ses Dames très accortes.
Ce renversement du sens fait sens, d’autant plus que la comédie est divinement brossée jusqu’à ces désopilants policemen, qui, envoutés par les clochettes de Papageno, dévoilent de charmants tutus, un des ajouts dont les metteurs en scène ont pimenté cette reprise qui ne conservait de la distribution originale que Marie Arnet. Sa Pamina – de timbre, de jeu - a pris une dimension tragique, le personnage s’est considérablement étoffé, la voix reste toujours aussi pure, tendre, ombrée maintenant par un medium qui la colore d’une nuance d’inquiétude. On n’en voudra pas aux grands moyens d’Elmar Gilbertsson d’excéder ce que Mozart demande pour Tamino : il est plus proche de Roswaenge ou de Kmentt que de Wunderlich ou d’Haeffliger, mais l’élan du chant l’emporte.
photo © Jeff Rabillon
Le public fête l’irrésistible Papageno de Ruben Drole et il a bien raison. Olga Pudova est la plus mordante – jusque dans la stratosphère de suraigus décochés à la perfection – Reine de la Nuit qu’on ait croisée depuis Edda Moser ; non pas colorature mais ce que les allemands désignent par Hochdramatischkoloratur - exactement ce que voulait Mozart. Le Sarastro clair de mot, sombre de timbre de James Creswell, le Monostatos si juste, dans la concupiscence comme dans la bêtise, selon Eric Huchet, la Papagena finement composée de Mirka Wagner, des Dames flibustières piquantes à souhait, surtout un Sprecher envoûtant, dont les mots vous enveloppent – Tyler Duncan, retenez bien ce nom – font une vraie troupe que Mark Shanaham conduit tranquillement dans les arcanes de la fable, conjuguant poésie et lyrisme. Et il faut rendre hommage à Claude Cortèse qui a réuni ici une parfaite équipe de chant. Il va manquer à Nantes-Angers Opéra ; on suivra désormais son travail à l’Opéra de Nancy avec attention.
Jean-Charles Hoffelé
Mozart : La Flûte enchantée - Nantes, Théâtre Graslin, 30 mai, prochaines représentations 3 juin 2014, puis à Angers (Grand Théâtre), les 13, 15, 17 juin 2014.
Photo © Jeff Rabillon
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