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La vie et l’amour d’une femme - Trois questions à Martina Serafin, soprano
La voici enfin sur le plateau de l’Opéra Bastille : rayonnante, cette blonde plante autrichienne, au somptueux soprano dramatique, ne cesse de se tailler des triomphes, et notamment en Tosca, sur les plus prestigieuses scènes du monde, Londres et Milan notamment. On doit à Nicolas Joel de l’avoir révélée au public toulousain dans une Maréchale du Chevalier à la Rose restée dans les mémoires. Depuis, le carnet de bal de la dame a tellement gonflé qu’il a été difficile de la faire venir à Paris. Elle nous arrive dans cette reprise de la Tosca que Werner Schroeter signa en 1994 (du 23 oct. au 20 nov.), et enchaînera sur Sieglinde fin février(1). Après Anja Harteros dans Strauss à Pleyel tout récemment (compte rendu du 8 octobre), l’automne parisien s’annonce faste en divas. Questions à une belle et riche nature.
Vous êtes née en musique ?
Martina Serafin : Depuis toujours j’y baigne, car mes parents étaient des vedettes de l’opérette viennoise. Ils représentaient un répertoire et un tempérament très « bons vivants ». Pour ma part j’ai toujours eu une voix très facile et très naturelle, et je pouvais chanter tout ce que je voulais dès l’enfance. Mais j’ai dû aller tenter ma chance ailleurs pour tracer mon chemin, car à Vienne, j’aurais été trop vite cataloguée, comme fille de…Et mon répertoire n’a lui, rien de bon vivant, avec toutes ces héroïnes dramatiques, même si j’adore chanter Princesse Czardas, de Kalman, par exemple! Pour les rôles que j’incarne, j’aime passionnément me replonger dans les grands exemples passés, non pour les copier, mais pour voir comment ces voix légendaires résolvaient les difficultés. Ainsi aujourd’hui une Netrebko, qui a apporté un ton nouveau. J’admire beaucoup Tebaldi, ou bien plus loin, Maria Caniglia. Mais Callas est unique bien sûr, personne ne peut chanter comme elle.
Comment s’est construit votre répertoire ?
M. S. : Au début, j’ai beaucoup chanté d’opérettes et beaucoup de Mozart : Elvira, Fiordiligi, la Comtesse. Mais j’apparaissais comme chanteuse germanique, liée à Strauss et Wagner. Puis peu à peu, l’idée de l’opéra italien s’est imposée, et j’ai commencé avec André Chénier à Catane. Il est apparu que cela convenait très bien à ma voix, qui y trouvait de plus belles couleurs. Puis j’ai eu l’opportunité de faire ma première Tosca à Rome, dans la mise en scène de Franco Zeffirelli, avec Marcelo Alvarez. Et je n’ai plus quitté Puccini, de Tosca à Turandot et Manon Lescaut. Et c’est dans Tosca que j’ai fait récemment mes débuts à la Scala de Milan, où tout s’est merveilleusement bien passé, malgré le trac que peut inspirer cette scène mythique. Tout le monde m’a couverte de cadeaux ! A Paris, dans la mise en scène de Werner Schroeter, je trouve des décors relativement abstraits et très beaux, et une mise en scène intelligente et classique, du genre qui ne crée pas d’obstacle pour les chanteurs. Quant aux costumes, il est vrai qu’en général cela m’aide de chanter dans de belles tenues, mais s’il faut affronter une mise en scène décalée dans le métro ou une usine, je le fais. Il faut se battre ! D’une part on ne peut refuser que si l’on est une top-star, et d’autre part mon engagement est aussi celui d’un contrat : c’est un art, mais c’est aussi un travail, et je dois le faire, même si je n’adhère pas spontanément. On ne chante pas que pour la gloire !
A ce jour, vous évoluez vers Verdi, qui figurait peu à votre répertoire ?
M. S. : Oui, et c’est un grand changement. Jusqu’à alors, je ne m’y étais que très peu risquée, malgré toutes les sollicitations. Il faut être conscient de ce que l’on fait. Et maintenant j’y arrive, avec l’évolution vocale nécessaire, car il faut beaucoup plus ouvrir la voix. Vous ne pouvez pas tricher avec lui, comme avec Mozart d’ailleurs. Dans Puccini, par exemple, si vous avez une belle présence dramatique ou scénique cela peut aider à faire passer quelques faiblesses vocales, dans Verdi jamais : on vous juge sur votre technique, et vous êtes nu. Le reste vient après. Désormais je chante le Requiem, Nabucco, Le Bal masqué, Don Carlo, pas encore Le Trouvère. Et cette avancée est salutaire car elle me permet de mieux interpréter mes rôles précédents, y compris Elsa, Elisabeth ou Sieglinde dans Wagner. Mais je ne veux pas me laisser déborder par trop de pression médiatique et je garde une vie très tranquille avec mon mari, la basse Alessandro Guerzoni, et ma petite fille, entre nos deux domiciles de Vienne et de Pescara. Je suis très attachée à l’Italie : il faut dire que mes lointains ancêtres sont venus de Vénétie il y a trois cents ans ! Le nom est resté, mais je ne crois pas qu’il y ait de lien avec le grand maestro Tulio Serafin. Dommage…
Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 9 octobre 2012
Puccini : Tosca
Paris - Opéra Bastille
Du 23 octobre au 20 novembre 2012
> Programme détaillé et réservations de l'Opéra Bastille
(1)La Walkyrie, direction Philippe Jordan ; du 17 février au 10 mars 2013
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