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Laurent Hilaire nouveau directeur de la danse au Théâtre Stanislavski de Moscou – « Dans ce métier, il ne faut pas seulement faire de son mieux, mais aller au-delà »
Chapka et bottes fourrées : un nouveau rôle pour Laurent Hilaire, ex étoile-majeure puis maître de ballet à l’Opéra de Paris, qui le 1er janvier prend la direction d’une compagnie que l’on connaît peu, mais dont le nom est prestigieux, celui du grand homme de théâtre Constantin Stanislavski. Un pari ambitieux et supérieurement excitant pour cet homme positif et courageux, dont le physique de prince tourmenté et les qualités techniques qui brillaient aussi bien dans Forsythe que dans Petipa, ont fait une des personnalités incontournables de la scène française. Exalté par la voie nouvelle qui s’ouvre devant lui, il nous livre quelques impressions
Comment s’est initiée cette aventure ?
Laurent HILAIRE : En fait de façon totalement inattendue et sans que je l’aie particulièrement cherchée. Depuis mon départ de l’Opéra, où j’avais vite compris que je ne pourrai pas poursuivre mon travail de maître de ballet comme je l’entendais, tant mes directions de travail n’étaient pas compatibles avec celles de Benjamin Millepied, j’ai mis à profit ce temps de liberté en me ressourçant dans ma maison du sud-est, en vivant un peu plus, et surtout en remontant des ballets partout ! Ce qui m’a beaucoup enrichi et permis d’ouvrir les yeux sur d’autres mondes, d’autres repères artistiques. Et j’y ai trouvé une grande sérénité, en tout cas un équilibre qui me réjouit. Pour Moscou, je connaissais un peu Anton Guetman, directeur du Théâtre Académique Musical de Moscou Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko (1), mais sans vrai contact. Et c’est lui qui est venu vers moi, en septembre, pour me proposer d’emblée de poste. J’ai dit oui très vite, car l’idée était superbe.
Laurent Hilaire © Agathe Poupeney / PhotoScene
Comment se présentent les lieux et la compagnie ?
L.H. : Les lieux sont magnifiques, tout près du Bolchoï, je suis accueilli avec une extrême déférence et un bel enthousiasme de la part des danseurs, logé à proximité, choyé. Tout est fait pour que je m’y sente bien et que je puisse aider la compagnie à prendre un nouvel essor. La salle, où d’importants travaux ont été effectués il y a une dizaine d’années, dispose à ce jour d’excellents équipements techniques et d’un plateau presque aussi grand que celui du Palais Garnier, et elle offre environ 1200 places, sont moins chères qu’au Bolchoï.
Quant aux danseurs, qui ne sont pas moins de 120, ils présentent de grandes possibilités techniques et expressives, avec notamment ces bras magnifiques que l’on considère, à tort ou à raison, comme l’apanage de l’école russe, et sont capables d’un engagement total. Point n’est besoin de redire quel formidable vivier offre la Russie en matière de danseurs classiques, ici formés aux plus prestigieuses écoles, dont la Vaganova de Saint-Pétersbourg. Ce qui fait que l’on connaît moins cette compagnie, c’est qu’elle avait peu de programmes de tournée.
Comment s’articulent vos projets ?
L.H. : La compagnie dispose d’un répertoire des plus classiques, avec les grands russes, et La Sylphide de Pierre Lacotte, qui m’a tant appris, mais aussi Ashton, MacMillan, Robbins et quelques incises plus contemporaines, comme Neumeier. C’est cette dernière dimension que je veux renforcer, sans d’ailleurs renier l’académique un seul instant car il est majeur pour la survie de notre art, et je veux ouvrir la voie à des créateurs du moment que je trouve intéressants, tout en recherchant également de nouveaux chorégraphes russes. Je ne souhaite pas encore préciser mes choix mais je ferai certainement des commandes et le premier programme que je présenterai, le 7 juillet, comportera trois pièces que je considère comme essentielles, dont je n’ai dansé qu’une seule, d’ailleurs. Elles seront pour moi comme une carte de visite symbolique. J’en dévoilerai la teneur dans quelque temps.
Je monterai trois nouveaux spectacles par an, sur les douze à l’affiche, sachant que la compagnie donne près de 125 représentations annuelles, ce qui est considérable. Pour la faire progresser, la motiver, je crois avant tout à la vertu du travail, en fonction des qualités des danseurs bien évidemment. Pour avancer, c’est la panacée. Dans ce métier, il ne faut pas seulement faire de son mieux, mais aller au-delà, c’est seulement ainsi que l’on atteint le sens d’une mission artistique. Les expériences que, tout jeune, j’ai vécues avec Noureev me l’ont appris à jamais. Il m’a arraché aux normes de l’avancement classique, il m’a obligé à des paris déments et m’a montré la voie pour toujours. Il faut se faire confiance, c’est ainsi que l’on trouve sa liberté.
Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 15 décembre 2016
(1)Site du Théâtre Académique Musical de Moscou Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko : stanmus.com/
Photo © Agathe Poupeney/ PhotoScene
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