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Le Mage à la Biennale Massenet de Saint-Etienne - Une résurrection pleinement justifiée - Compte-rendu
Laurent Campellone l’expliquait dans l’interview qu’il a récemment accordée à Concertclassic (1) : la recréation du Mage (en version de concert), temps fort de la Biennale du centenaire Massenet, lui tenait particulièrement à cœur. Comme on le comprend ! Oubliée depuis sa création en 1891 à l’Opéra de Paris, cette partition en cinq actes sur un poème de Jean Richepin aura été une découverte, plus, une révélation pour tous les auditeurs présents dans un Grand Théâtre archi-comble.
Premier acte statique et guère engageant, argument un peu entortillé ; l’ouvrage de Massenet n’est pas sans défaut, mais … quelle musique ! Une fois passé l’obstacle du I, cette résurrection du Mage n’est qu’invitation à la surprise et à l’éblouissement. Les Iraniens ont vaincu les Touraniens ; le Moyen Orient rêvé du livret de Richepin est prétexte pour l’auteur du Cid à une partition chatoyante et d’une puissance visuelle singulière.
Quelques semaines avant le démarrage du Bicentenaire Wagner, elle montre aussi l’influence exercée par le démiurge de Bayreuth sur le Français. On ne le surprend aucunement en délit de plagiat, mais l’intense duo entre Varedha et son père au II, le prélude pour les cuivres du III (Massenet avait entendu Parsifal à Bayreuth en 1886…), la manière dont l’embrasement provoqué par Varedha au terme du V est traité prouve que l’exemple wagnérien a été pleinement médité…
Quelle orchestration ! ; opulente, suggestive, - « d’un luxe inusité », confia Massenet - mais jamais lourde. Il faut reconnaître qu’elle est en l’occurrence servie par un chef pleinement investi dans son entreprise : le résultat auquel il parvient avec son Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire laisse coi d’admiration. Plénitude des tutti, subtilité des détails (superbes interventions du violon solo !), justesse stylistique. Acte de ballet, le IV pourrait verser dans le kitsch orientaliste sous des baguettes moins inspirées… Le tact, le nerf et le profond amour que Campellone ressent pour cette musique font des miracles.
Heureux chanteurs qui ont pu contribuer à la résurrection du Mage sous une telle direction… Luca Lombardo aurait certes préféré y participer dans un autre état… Une pharyngite s’est déclarée un peu avant la générale : compte tenu de la difficulté redoutable du rôle du Mage, alias Zarâstra, que personne n’a à son répertoire, il était impossible de le remplacer. Le ténor marseillais a maintenu sa participation, et malgré les circonstances, a su relever le défi avec un professionnalisme qui force le respect. Quelle technique se dit-on aussi en entendant un chanteur qui, malgré son état, ne sacrifie ni l’intonation ni la diction. Chapeau !
Il est porté il est vrai par un chef d’une attention de tous les instants, qui permet à chacun de donner le meilleur. Catherine Hunold se confronte au personnage d’Anahita – et à ses terribles aigus ! – avec une générosité vocale et un aisance confondante, tandis que, dans le rôle de Varedha, la mezzo Kate Aldrich saisit toute la complexité de son personnage, jusqu’à la malédiction qu’elle lance in fine sur Zarâstra et Anahita. Intelligence dramatique et plénitude vocale distinguent le bel Amrou de Jean-François Lapointe. Marcel Vanaud campe un Roi d’Iran plein de noblesse et Julien Dran (Chef iranien, Prisonnier touranien) comme Floran Sempey (Héraut et Chef touranien) sont à l’unisson d’un enthousiasme collectif que la direction passionnée de Laurent Campellone entretient continûment. Magnifiquement préparés par Laurent Touche, les Chœurs, élément essentiel de l’œuvre – Wagner encore… -, ne sont pas en reste.
On le savait déjà mais, avec ce Mage, Laurent Campellone confirme que, parmi les chefs français de sa génération il est, avec Alain Altinoglu, le meilleur spécialiste de Massenet. Dans un autre registre, le Bolchoï, qui vient de l’accueillir pour une Traviata très applaudie, l’a immédiatement réinvité. Mais Campellone n’a pas une seule fois encore été programmé dans la Grande Boutique… Cherchez l’erreur.
Alain Cochard
Massenet : Le Mage (version de concert) – Saint-Etienne, Grand Théâtre, 9 novembre 2012.
Biennale Massenet, jusqu’au 7 décembre 2012 / www.operatheatredesaintetienne.fr
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Photo : Cyrille Cauvet (de gauche à droite, Luca Lombardo, Catherine Hunold, Marcel Vanaud)
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