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Le Quatuor Cambini-Paris au Festival Gounod du Palazzetto Bru Zane – Panorama d’un corpus ignoré
Avec un total de cinq partitions (il n’est pas exclu que d’autres opus soient un jour retrouvés), dont la composition s’étale (selon toute vraisemblance) entre le milieu des années 1870 et le début des années 1890, le corpus pour quatuor de Gounod dévoile un visage très attachant du musicien. « Il y a toujours, nécessairement, au départ de chaque mouvement, le ferment d’une combinaison abstraite que Gounod mène à son terme avec un mélange de malice et de tendresse, on aimerait dire une espèce de bonhomie féline, que le rapprocherait de Haydn tandis que le lyrisme de son invention musicale en fait l’héritier de Mozart et de Schubert », souligne pertinemment Gérard Condé. (2)
Rien de révolutionnaire certes dans ces cinq ouvrages mais beaucoup d'art ; un jaillissement musical, une franchise du propos, un sens des timbres que le Quatuor Cambini-Paris a su faire totalement siens, une longue fréquentation des partitions en concert ayant précédé le passage en studio pour un premier et splendide enregistrement sur instruments d’époque.
Partenaire de longue date du Palazzetto, la formation ne pouvait faire défaut à son Festival Gounod vénitien : c’est à elle qu’est revenu de le conclure avec un programme constitué d’extraits des cinq Quatuors de Gounod, huit mouvements au total, qui auront offert à l’auditoire un panorama complet de sa production en ce domaine, du « Petit Quatuor » en ut majeur CG. 561, dont on situe la naissance vers 1875, au Quatuor en sol mineur GC. 565 (1891-1892).
Panorama à rebours d’ailleurs car c’est par l’Allegro non troppo energico initial de cet ultime ouvrage, très marqué par le modèle beethovenien, que le concert s’ouvre. Saisissante entrée en matière, dont le propos abrupt, âpre et combatif montre combien les quatre archets sont maîtres de leur sujet, se mouvant dans la musique avec la même évidence que s’ils s’attaquaient à un « tube » du répertoire.
Changement de ton avec l’Andante con moto et le Scherzo du « Petit Quatuor » : à la chaleur expressive et l’art de la conversation du premier épisode succède un mouvement noté Presto qui trahit l’influence de Mendelssohn, assimilée d’une façon un brin bonhomme – c’est le mot qui convient – et que les Cambini restituent avec saveur et chic.
Le deux morceaux du Quatuor en fa majeur CG. 563 (1889) montrent le chemin parcouru par le musicien avec un Andante quasi adagio dont on savoure le lyrisme tendre et recueilli et un (premier) Scherzo – en cinq mouvements, le CG. 563 en compte deux ainsi intitulés – dont le caractère obsessionnel teinté d’une dimension fantastique s’exprime à plein sous les quatre archets.
Avec quel art de la couleur et des nuances explorent-ils ensuite le magique Allegretto quasi moderato (con sordini) à ranger parmi les plus poétiques moments de la production pour quatuor de Gounod - mention spéciale pour les pizzicati si expressifs d'Atsushi Sakaï !
Pimpant avec son motif ascendant au premier violon, le Minuetto du Quatuor en la majeur CG. 562 assure la transition avec autant de vitalité que d’humanité et de fraîcheur vers la conclusion du concert confiée au finale du « Petit Quatuor » CG. 561. Retour au début du corpus donc avec un Allegro vivace dont la vivacité heureuse s’accompagne, comme toujours chez les Cambini, d’une ample respiration.
Sous le charme de la découverte d'un Gounod ignoré, comme celui de l'intense musicalité des interprètes, le public nombreux d’un Palazzetto plein jusqu’aux galeries ne cache pas son enthousiasme. En bis, le fabuleux Allegretto du Quatuor en la majeur CG. 562 fait songer à un étrange ballet d’ombres mouvantes : on ne pouvait rêver plus parfait accord avec une fin d’après-midi vénitienne.
Bonne nouvelle pour les mélomanes parisiens (3), le Quatuor Cambini-Paris sera bientôt au rendez-vous de la soirée inaugurale 6ème Festival Bru Zane, le 1er juin, au cours d’une « Nuit du quatuor français » durant laquelle la formation côtoiera les Quatuors Hermès, Ardeo et Modigliani. Au programme des Cambini-Paris, le beethovenien Quatuor en sol mineur CG 565 de Gounod et le Quatuor en ut majeur n° 4 op. 56 n° 2 (1876) de Théodore Gouvy (1819-1898), autre figure étonnante et méconnue de la musique de chambre du XIXe siècle. L’exploration du siècle romantique français a de beaux jours devant elle ...
Alain Cochard
(2) 2 CD APARTE AP177 (dit. PIAS) / Notice de présentation de Gérard Condé.
(3) Et pas seulement eux : le Quatuor Cambini-Paris poursuit son intégrale Haydn (un projet sur huit ans !) au théâtre de Caen le 5 juin : theatre.caen.fr/Spectacles/int%C3%A9grale-des-quatuors-de-haydn-saison-ii
« Nuit du quatuor français »
Quatuor Hermès (Chausson/Fauré), Quatuor Ardeo (Reicha/Onslow), Quatuor Cambini-Paris (Gounod/Gouvy), Quatuor Modigliani (Saint-Saëns/Arriaga)
1er juin 2018 – 18h30, 20h, 21h30, 23h
Paris – Théâtre des Bouffes du Nord
6e Festival Bru-Zane à Paris
Du 1er au 29 juin 2018
www.parisfestival.bru-zane.com
Site du Quatuor Cambini-Paris : http://quatuorcambiniparis.com/
Photo Quatuor Cambini © Franck Juery
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