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Le Quatuor Elmire et Michel Dalberto aux Bouffes du Nord – Belle Saison ; belle rencontre – Compte-rendu
Rien de plus agréable pour l’observateur de la vie musicale que de voir de jeunes interprètes grandir – et bien grandir ! On avait découvert le Quatuor Elmire (photo) en mai 2019 à l’Institut Balassi de la rue Bonaparte dans le Quatuor n° 2 de Bartók (1) ; on l’a retrouvé avec curiosité dans cette même partition trois ans plus tard, aux Bouffes du Nord, dans le cadre de la découvreuse – et très avisée – Belle Saison. Avec curiosité et bonheur car les Elmire confirment plus que largement les espoirs que l’on pouvait placer en eux.
Violons et alto debout, violoncelle surélevé par une petite estrade : la position adoptée par les instrumentistes leur permet de mieux faire corps avec une musique dont ils restituent la variété d’atmosphère et de texture en fuyant la sécheresse et l’intellectualisme. L’option très vécue, très incarnée des Elmire, leur intelligence organique de ce Bartók était déjà présente en 2019, mais avec le temps écoulé, les changements intervenus dans la composition du groupe et l’expérience du concert, ils ont beaucoup gagné en homogénéité et en personnalité sonore ; la portée de leur propos n’en devient que plus grande, plus aiguisée. ProQuartet avait vu juste en les accueillant parmi ses ensembles en résidence dès 2018, tout comme la Fondation Singer-Polignac où le quatuor réside présentement.
Michel Dalberto © Lyodoh Kaneko
De 1918, le Quatuor n° 2 de Bartók a pour compagnon de programme un autre chef-d’œuvre exactement contemporain, français celui-là, et pas – sûrement pas – moins grand : le Quintette en ut mineur pour piano et cordes, op. 42 de Louis Vierne. Écrit après la mort au front du fils et du frère du musicien, l’ouvrage est nourri de ces dramatiques coups du sort, auxquels s’ajoutaient la cécité de l’artiste et la mort précoce d’un premier enfant en 1913. Affreuse période ...
Une grande interprétation du Quintette op. 42 produit toujours l’effet d’un coup de poing ; tel est bien ce que l’on a ressenti lors la rencontre du Quatuor Elmire et de Michel Dalberto. La partie de clavier de l’Opus 42 trouve en ce dernier un serviteur de premier ordre capable d’en assumer la redoutable difficulté certes, mais surtout de traduire le désespoir, la violente rage dont la musique est porteuse ; état d’esprit auquel les archets adhèrent avec une non moins convaincante intensité. Musique d’une rare noirceur : on ne peut que la rapprocher de Solitude op. 44, pièce pour piano de 1918 dans laquelle "le souvenir des disparus hante le solitaire".
Les meilleures choses ont parfois une suite ; ce sera le cas pour ce Quintette op. 42 de Vierne : les interprètes le reprendront à Chambord le 9 juillet (2), dans le cadre du festival que le château accueille du 3 au 16 juillet. Le programme ne commencera pas par Bartók, mais au piano solo avec la Sonate en si mineur (choix qui fait écho au bel album lisztien que Michel Dalberto vient de signer pour La Dolce Volta). Autant dire que la soirée ne perdra rien en intensité.
Alain Cochard
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