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Le Quatuor Van Kuijk aux Bouffes du Nord - Rien que du bonheur ! – Compte-rendu
On ne cachera pas le bonheur que ce fut de retrouver les musiciens en vrai : ce concert était, pour la majeure partie du public, le premier depuis plus d’un an. Mendelssohn… il y a dans cette musique un élan et une grâce naturelle qui assonnent à merveille avec le temps présent ! Celui d’un ciel qui s’éclaircit enfin, après de longs mois d’abstinence de concerts.
Désormais bien servi par de nombreux quatuors français (les Modigliani chez Mirare ; les Arod chez Erato), c’est au tour des Van Kuijk (Nicolas van Kuijk, Sylvain Favre-Bulle, Emmanuel François & Anthony Kondo) de nous offrir une interprétation parfaitement aboutie de deux des six quatuors à cordes du prince des romantiques allemands. En ouverture du concert (inscrit dans la programmation de la Belle Saison), le tout premier, écrit en 1827 sous le choc de la disparition de Beethoven. Cet effet « choc » s’entend tout au long du quatuor. Et pourtant, le jeune compositeur, qui n’est déjà plus du tout un débutant (18 ans), semble déjà d’avantage tutoyer qu’imiter son illustre modèle ; les nombreux emprunts, notamment au 12ème Quatuor op. 127 (dans la même tonalité) se fondent dans une composition parfaitement originale. Les Van Kuijk en ont donné un 2ème mouvement Adagio non lento (!!) avec un mélange d’intensité dramatique et de retenue, qui reflètent bien la maturité du groupe ; la salle était suspendue à leurs archets. Ainsi, dans ce même mouvement, le dialogue fugué, expressif à souhait, qui commence entre le 2ème violon et l’alto avant de se poursuivre à quatre, en dit plus long que tout sur la solidité de cette colonne vertébrale des Van Kuijk. La légèreté, bien timbrée, précise les fait parler à quatre d’une seule voix dans le mouvement le plus purement mendelssohnien de cette œuvre de jeunesse, l’Intermezzo. Enchaîner en concert sans interruption, presque sans reprise d’haleine cet Intermezzo et le Presto final, comme l’ont fait les Van Kuijk, décuple d’entrée la force du dernier mouvement. Avec le parfait contrôle des ruptures de tempos – souvent risquées en concert –, ce finale fut dominé, et de très haut. A la toute fin, le 1er violon prend son envol pour un ultime chant solo bouleversant parce qu’à la fois simple et pur, si bien écouté dans le silence de ses trois compères et du public.
Dix ans passent. Tout sauf inactif, par nécessité personnelle (et non pour répondre à une commande), Mendelssohn revient un beau jour de 1837 au quatuor. Il a alors l’âge qu’avait Beethoven quand il cuisinait son premier opus de six quatuors (op. 18), mais lui se trouve « au milieu du gué ». Ne révèle-t-il pas dans son Opus 44 n°1, pour la première fois – on ne « triche » jamais avec un quatuor – son double visage d’un compositeur tiraillé entre classicisme et modernité romantique ? C’est ce qu’on parfaitement compris et rendu les interprètes, naturels dans la vaillance, chaleureux – sans débordements jamais – dans l’expression de telle ou telle phrase tour à tour tendre ou mystérieuse, jouant, le cas échéant dès le premier mouvement, avec le même feu que celui qui irradiait leur Opus 13, sachant instantanément alléger le trait quand il le fallait. Sous leurs archets, l’Andante espressivo avait le charme et le lyrisme qu’il devait avoir : celui d’une Romance sans paroles. Quant aux savoureux pizzicatos d’Anthony Kondo (violoncelle, transfuge du Quatuor Hermès, dont c’était le premier concert à Paris dans cette nouvelle formation), ils donnaient le sentiment d’émaner d’une musicien qui était dans le groupe depuis toujours. Le Presto con brio final fut joué avec une vélocité, une joie et une exubérance idéales. A l’issue de ce concert plus que chaleureusement applaudi – dans une salle remplie à 35%, le public avait à cœur d’applaudir pour les 65% manquants ! –, les sourires des musiciens disaient mieux que tout leur joie d’avoir retrouvé le concert public. Joué dans une salle qui, de l’avis de tous les quartettistes qui s’y sont produits, possède la meilleure acoustique de quatuor à cordes de Paris, Mendelssohn va aux Van Kuijk comme un gant. Bientôt une intégrale enregistrée là, sur le vif ?
Stéphane Goldet
Paris, Théâtre des Bouffes du Nord, mercredi 26 mai 2021 // la-belle-saison.com/
Photo © Svend Andersen
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