Pour nous, le choc Decker se produisit à la Monnaie de Bruxelles qui reprenait son parfait Peter Grimes. Toute tentation d'exégèse en était bannie, l'œuvre se déroulait, implacable, mettant à nu des êtres en prise avec la fatalité. Car tout dans le geste puissamment architecturé des mises en scène de Willy Decker, parle au fond du destin et ne s'intéresse qu'à ses œuvres.

Si Paris attend toujours que le voile se lève sur cette production confinant au génie, la Grande Boutique reprend en ce début de saison deux mises en scènes majuscules de cet artiste parfois effrayant.

Le songe d'horreur qui traverse Le Vaisseau fantôme, enclos dans un immense appartement à la Hammershoi, où tempête et vaisseau menacent d'entrer par les gigantesques portes, métaphore de l'intrusion toujours imminente des fantasmes du Hollandais, est un tour de force, même si il se permet une réécriture à la fin de l'ouvrage. Eugène Onéguine, plus formel, étonne par son mélange de finesse psychologique et de violence contenue, qui retrouve derrière Tchaïkovski l'économie glaciale de Pouchkine, sa grammaire presque sèche.

Pour le Vaisseau on attend beaucoup de la Senta d'Adrianne Pieczonka et du Erik probablement un rien lunaire de Klaus Florian Vogt, le Hollandais de James Morris et le Daland de Matti Salminen étant déjà bien repérés. C'est certainement le plateau d'Eugène Onéguine qui offrira le plus de nouveautés, d'abord à cause de la prise de rôle de Ludovic Tézier qui se confronte au délicat idiome russe, mais surtout par le Lenski de Joseph Kaiser, fêté à Salzbourg. Si l'on ajoute qu'Olga Guryakova retrouvera sa Tatiana névrotique et que dans la fosse Vasily Petrenko, l'étoile montante de la direction russe, ne manquera pas de tout nous dire sur une partition si complexe, cette reprise promet d'être immanquable.

Jean-Charles Hoffelé

Wagner : Le Vaisseau fantôme
Paris, Opéra Bastille
Les 9, 14, 21, 24, 27, 30 septembre, puis les 3, 6 et 9 octobre 2010

Tchaïkovski : Eugène Onéguine
Paris, Opéra Bastille
Les 17, 20, 23, 26, 29 septembre, puis les 5, 8 et 11 octobre 2010

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Photo : Opéra National de Paris/E. Mahoudeau