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Le Villi de Puccini au TCE - Le génie déjà fait - Compte-rendu
Il est fréquent de faire la fine bouche devant le tout premier opéra de Puccini : sa mélodie “ pauvre ”, son harmonie “ classique ”, ses effets “ gonflés ”, peut-on lire ça et là. Eh bien non ! Tout au contraire, on ne peut qu’être ébahi par la maîtrise, la richesse, l’invention, la maturité musicale et dramaturgique de ce musicien de 26 ans. On comprend le flair des puissantes éditions Ricordi, qui n’ont pas hésité à éditer aussitôt la partition à la création de l’opéra (en 1884), comme la réaction immédiate de Verdi, dans une lettre célèbre au jeune compositeur.
Mais il est vrai qu’il est courant de dénigrer ce que l’on connaît peu. Comme il est vrai que Le Villi a tout pour dérouter : son sujet, campé dans une Allemagne fantastique, avec ses fantômes, ces “ Villi ” qui reviennent la nuit châtier les humains fautifs ; sa découpe, en deux actes brefs (ou un seul dans la version originale) ; sa musique, enfin, avec ses échos de Mendelssohn dansants comme les elfes, la place importante dévolue à l’orchestre et au chœur, son lyrisme intense. On est assez loin des schémas du vérisme, auquel on a trop vite et indûment assimilé Puccini.
Au Théâtre des Champs-Élysées, réparation est vigoureusement rendue. Le Chœur de Radio France, puissant et juste, prouve une fois encore combien il est actuellement au mieux de sa forme vocale. L’Orchestre national de France lui répond d’un même élan, rutilant et incisif, sous la baguette innervée de Luciano Acocella. Les trois chanteurs s’acquittent avec brio des trois seuls rôles : Ermonela Jaho (photo) allie sûreté de la projection à une ligne ductile et à un jeu d’estrade irrésistible (qui imite à la perfection les tics, expression ravageuse et longues mains croisées sur la poitrine comprises, de la Callas) ; Àngel Òdena, bien connu dans le répertoire de la zarzuela, possède un timbre de baryton aguerri ; et Thiago Arancam dispense une franchise de ténor clair et de circonstance.
Deux uniques erreurs à ce concert : une malencontreuse amplification, des plus anti-musicales et outrageantes pour la sonorité d’ensemble, plaquée sur les deux interventions déclamées du récitant (prévu par la seconde version de l’opéra, celle exécutée) ; et une première partie en forme de concours de chant, avec des airs à succès tirés de Pagliacci, Mefistofele, Cavalleria rusticana et Adriana Lecouvreur, dont on se serait aisément passé et où nos valeureux solistes montrent des limites (comme chez le ténor, qui se laisse aller à des vulgarités). Pièce rapportée qui n’ajoute rien (si ce n’est pour le bar du théâtre à l’entracte), ni même à la consistance de la soirée, déjà suffisante par la valeur rare de l’opéra de Puccini.
Pierre-René Serna
Puccini : Le Villi (version de concert)– Paris, Théâtre des Champs-Élysées, 20 février 2014
Photo © DR
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