Le Voyage dans la lune est décidément « tendance » depuis quelque temps. Tandis que la production du Palazzetto Bru Zane (mise en scène par Olivier Fredj) poursuit sa route sous les applaudissements et que, aux Pays-Bas, BarokOpera Amsterdam propose jusqu’en mai une version en petit effectif, aussi originale que réussie, de l’opéra-féerie d’Offenbach, la Salle Favart reprend un spectacle imaginé pendant la période du confinement par l’inséparable tandem offenbachien formé de Laurent Pelly et Agathe Mélinand (en coproduction avec l’Opéra national Grec et Angers-Nantes Opéra). Et ce qui n’avait jusqu’ici été que l’objet d’une captation-retransmission, rencontre enfin un vrai public, chaleureux et heureux de goûter à un travail conçu sur mesure pour les jeunes artistes de la Maîtrise Populaire de l’Opéra-Comique, que Sarah Koné a menée à un niveau de qualité qui se vérifie une fois plus.
 

Arthur Roussel (Le prince Caprice), Franck Leguérinel (Le roi V'lan), Maîtrise Populaire de l'Opéra-Comique © Stefan Brion 
 
Dans la très longue partition de l’ouvrage à grand spectacle d’Offenbach, il a fallu évidemment faire des choix, abandonner maint éléments, pour aboutir à spectacle d’un petit peu plus de deux heures avec entracte. Réduction qui n’est en rien trahison : la féerie (avec un seul accent aigu svp ! ), la fantaisie du Voyage sont bien au rendez-vous dans un spectacle clair et joyeux, fluide, vivant, bien rythmé – dont les réglages, les exigences montrent le professionnalisme des membres de la Maîtrise sur une scène.
Entouré de Barbara de Limburg (décors) et Joël Adam (lumières), Pelly (auteur des costumes) offre de belles trouvailles (le coup de canon est particulièrement réussi, tout comme l’alunissage !) et parsème la soirée d’images cocasses, tendres et poétiques aussi (la neige l’inspire !). Ce qui avait été conçu pour les caméras garde toute sa pertinence dans le cadre d’une représentation publique.
 
Le Voyage dans la lune rencontre enfin un public de chair, d’os – et de rires ! –, tout comme il retrouve le roi V’lan initialement prévu pour la captation, Franck Leguérinel qui, souffrant, avait finalement laissé la place à Christophe Mortagne. Il retrouve aussi la cheffe Alexandra Cravero, que Mathieu Romano était venu remplacer pour raisons de santé. 
 

Mateo Vincent-Denoble (Microscope), Franck Leguérinel (Le roi V'lan), Arthur Roussel (Le prince Caprice), Justine Chauzy (demoiselle d'honneur), Ludmilla Bouakkaz (La princesse Fantasia) & Violette Clapeyron (Flama) © Stefan Brion

Grand aîné du spectacle, Leguérinel règne sur la jeune troupe en un attachant V’lan, mâtinant le comique d’une part de désabusement pour un résultat drôle et très humain. Pas de rôle travesti pour Caprice, mais un ténor, Arthur Roussel au physique parfait dans un emploi où il campe un être doux et rêveur. Ce que renforce un peu trop de retenue le soir de la première ; gageons qu’il se libèrera au fil des représentations. Issue comme A. Roussel de la Maîtrise de l’Opéra-Comique, Ludmilla Bouakkaz offre une parfaite Fantasia, aussi assurée dans l’aigu que scéniquement. La Popotte pleine de caractère de Rachel Masclet ne convainc pas moins que Mateo Vincent-Denoble (Microscope) ou Enzo Bishop (Le roi Cosmos, que Pelly transforme en un sphérique personnage en costume blanc, comme gonflé à l’hélium), tous deux excellents comédiens. Dans ce remarquable travail d’équipe, on s’en voudrait de ne pas mentionner les noms de Violette Clapeyron (Flama), Micha Clavez-Richer (Cactus) et les demoiselles d’honneur de Salomé Baslé, Justine Chauzy, Judith Gasnier, Airelle Groleau et Maxence Herman.

Alexandra Cravero © Karen Almond - Dallas Opera

En fosse, les instrumentistes des Frivolités Parisiennes, menés par une Alexandra Cravero particulièrement attentive à son jeune plateau, font honneur à un répertoire qu’ils aiment et servent avec gourmandise et pétillante intelligence. Encore cinq dates : pas une seconde d’hésitation !