On a souvent eu l’occasion de saluer dans nos colonnes les qualités de l’ensemble I Giardini, que co-dirigent le pianiste David Violi et la violoncelliste Pauline Buet. Qualités qui se sont souvent illustrées dans la musique française du XIXe siècle. C’est une nouvelle fois le cas avec un enregistrement dont le programme s’organise autour d’un des chefs-d’œuvre chambristes de la toute fin du siècle romantique : le Concert op . 21 (1892) d’Ernest Chausson (1855-1899), ouvrage connu certes mais qui ne jouit pas toutefois d’une réputation exactement proportionnée à sa valeur. Il est vrai que son effectif un peu particulier (violon, piano et quatuor à cordes) et sa difficulté technique (pas un instant de répit pour le piano en particulier) n’ont pas joué en faveur d’une aussi large diffusion qu’il le mériterait. 

Pendant l'enregistrement à l'Auditorium Cœur de Ville de Vincennes © Marina Viguier

Lyrisme et feu intérieur
 
Pierre Fouchenneret se tient ici aux côtés de David Violi, Shuichi Okada, Camille Fonteneau, Violaine Despeyroux et Pauline Buet : dès les premières mesures du Décidé initial, pareilles à une grande inspiration, on comprend que les instrumentistes sont totalement au cœur de leur sujet, prêts à libérer l’irrésistible souffle, quasi orchestral par moments, d’une partition dont ils distillent le lyrisme et les coloris avec un lyrisme et un feu intérieur qui marqueront la discographie.

Pierre Fouchenneret © Marina Viguier
 
 
Le Poème pour violon en version chambriste
 
Quel meilleur voisinage offrir à Chausson que Chausson ? Après l’Opus 21, les Giardini ont eu la bonne idée de placer un arrangement pour violon et quintette avec piano du fameux Poème op. 25 pour violon et orchestre. Pierre Fouchenneret, tantôt effusif, tantôt enflammé, captive et envoûte, porté par une réduction en rien synonyme d’appauvrissement – il est vrai qu’avec des partenaires de ce niveau ... Du Poème à la mélodie Le temps des lilas (la dernière partie du Poème de l’amour et de la mer arrangée pour violoncelle et piano par Emmanuel Touchard), l’enchaînement se fait on ne peut plus naturellement, Pauline Buet et David Violi sachant en traduire la troublante mélancolie avec un tact merveilleux ...

David Violi et Pauline Buet © Marina Viguier

 
De Chausson à Barbara
 
Du Temps des lilas de Chausson au Temps du lilas de Barbara, le chemin est non moins vite parcouru. Ici, Pauline Buet pose l’archet pour prêter sa voix à la valsante et troublante chanson de la dame en noir. Exercice délicat que de s’emparer d’une page associée à une telle légende ... Une parfaite réussite !
Un disque d’un charme entêtant, d’un bout à l’autre, et un programme que l’on se réjouit d’entendre en concert, par la même équipe, le 4 avril, dans la cadre de la saison Prima la Musica ! de Vincennes à l'auditorium Cœur de Ville de Vincennes. Rien de plus normal puisque c'est dans sa magnifique acoustique que le disque à été réalisé.
 
Alain Cochard