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Les Ombres errantes par Philippe Beau et Iddo Bar-Shaï – Emerveillement couperinien – Compte-rendu
On connaît Philippe Beau et son féerique cortège d’ombres chinoises depuis l’édition 2010 du Festival d’Aix-en-Provence. Le metteur en scène canadien Robert Lepage l’y avait convié pour illustrer de savoureuses miniatures vocales de Stravinsky — les deux Berceuses du chat et autres mélodies populaires des Pribaoutky. On le retrouve sur la scène de l’ancienne salle de concert du Conservatoire d’Art dramatique, déployant de ses dix doigts, dans un rond de lumière, la même invention poétique, la même inspiration tendre ou humoristique. Mais, cette fois, au service de la musique de François Couperin — choisie dans le Troisième Livre de pièces de clavecin (Les fauvettes plaintives, Le Dodo ou l’amour au berceau) ou le Quatrième (Les Ombres errantes, qui donnent au spectacle un titre bienvenu !). Riche idée.
© lespianissisimes.com
Pour ce Couperin en noir et blanc, Philippe Beau ne pouvait trouver meilleur partenaire que le pianiste israélien Iddo Bar-Shaï. Solidaires et à l’unisson, ils célèbrent la musique à quatre mains. Comme dans son récital Couperin enregistré par le label Mirare, Iddo Bar-Shaï cisèle chaque dessin mélodique d’un trait net et souple, sans chercher à rivaliser avec les diaprures et les festons du clavecin. Ce graphisme en taille douce ou à la pointe sèche préserve l’émotion secrète, l’élégant mystère derrière lesquels se barricade la musique tout en pudeur de Couperin le Grand.
Philippe Beau © lespianissimes.com
Quant à Philippe Beau, son ingéniosité et la dextérité de ses phalanges sont inépuisables. D’un coup de pouce, au propre comme au figuré, voici le capuchon surmontant le profil de « Sœur Monique » qui se transforme en altière perruque pour le profil de « La Couperin ». Redressant le haut de sa tête dans la lumière du projecteur, l’ombromane magicien ébouriffe une touffe de ses cheveux : et voici les brindilles du nid abritant les ébats du « Rossignol en amour ».
Signalons enfin que ces performances poétiques et gestuelles se doublent de vertus médicinales inattendues : elles préviennent les trachéites, guérissent instantanément les maux de gorge. Une heure durant en effet, dans la salle pleine du Conservatoire d’Art dramatique, pas le moindre toussotement parasite ! Ce silence, non de plomb mais de plume, reflète bien la concentration émerveillée du public, son enchantement visuel et musical. Dynamique organisateur des concerts Les Pianissimes, Olivier Bouley peut se réjouir d’avoir gagné une nouvelle fois son pari — « donner un coup de jeune dans le classique ».
Gilles Macassar
Les Ombres errantes (création du Centre culturel de Rencontres des Dominicains de Haute-Alsace, en partenariat avec l’Abbaye de Noirlac et la Scène de Châteauroux) - Paris, Conservatoire d’Art dramatique, 5 décembre 2015
Prochain concert des Pianissimes, le 11 janvier 2016 au Couvent des Récollets : Eloïse Bella Kohn (piano), Aylen Pritchin (violon) / www.lespianissimes.com
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