Journal
Les Vêpres de la Vierge par la Cappella Mediterranea à la Chapelle royale de Versailles – Monteverdi à 360° – Compte-rendu
Quand on aime, on ne compte pas ! La Cappella Mediterranea et le Chœur de chambre de Namur se plongent une fois de plus dans Les Vêpres de la Vierge de Monteverdi. Entre diverses productions Mozart et Bach, Leonardo García Alarcón et ses troupes prennent le temps de revenir à une partition enregistrée il y a tout juste dix ans (pour Ambronay Editions). Cette fois, c’est à la Chapelle royale de Versailles que les musiciens font étape.
Datée en 1610, année de leur première exécution à Mantoue, les Vêpres conjuguent la dimension liturgique à une ferveur théâtrale singulière. Cette fougue se manifeste ici dès l’ouverture, avec l’infaillible Doron Sherwin au cornet à bouquin, suivi par les sacqueboutes qui reprennent le thème de la fanfare introductive de L’Orfeo (de trois ans antérieur). Les souffleurs se positionnent dans l’allée centrale, au milieu du public, et entonnent le Deus in adjutorium - Domine ad adjuvandum, le chœur entourant le public. Le ton est donné : la spatialisation sera le maître mot de ce Vespro.
La musique jaillit de part et d’autre de la chapelle, surprenant les auditeurs. On se rapproche là au plus près de la manière dont la musique se jouait au XVIIe siècle à la basilique Saint-Marc de Venise. Lorsque les deux ténors, Mathias Vidal et Valerio Contaldo, se font face par balcons interposés, c’est au chef de diriger depuis l’épicentre du bâtiment les choristes positionnés à chaque extrémité. L’écoute devient alors active et la chapelle se transforme progressivement en scène de théâtre.
© M.G.
Les solistes, avec l’exaltante soprano Mariana Flores en tête, l’ont bien compris : cette musique requiert un plein engagement et tout est précisément incarné. Valerio Contaldo en joue particulièrement, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Il se montre, il est vrai, très à l’aise dans ce répertoire, négociant les aigus avec une facilité étonnante. Le baryton Andreas Wolf et la basse Rafael Galaz apportent une noirceur réconfortante, tandis que le contre-ténor David Sagastume brille par la légèreté de ses vocalises. La soprano Deborah Cachet nous transporte lors du Pulchra es, en duo avec Mariana Flores.
Le Chœur de chambre de Namur excelle une fois de plus par sa tenue dans une partition exigeante dont il lui revient d’accentuer et de souligner la splendeur. Et il ne faut pas attendre le Magnificat final pour qu’il déploie tout son art. Dans l’hymne Ave maris stella, les voix féminines témoignent d’une délicatesse admirable, tranchant avec la puissance du Nisi Dominus scandé par tous les pupitres. A leurs côtés, les instrumentistes de la Cappella Mediterranea ne sont pas en reste. Le violon solo de Tami Troman se révèle d’une précision irréprochable dans l’Ave maris stella, tandis que le basson de Nicolas Rosenfeld devient rieur dans le Laetatus sum. Rodrigo Calveyra et Doron Sherwin font fièrement résonner leurs cornets à bouquin, en compagnie des trombonistes.
Alarcón peut compter sur son fidèle Quito Gato au théorbe, lui permettant de déployer des lignes quasi-dansantes. Vision très méditerranéenne que celle du chef argentin, à rebours de la conception plus nordique et introspective d’un Jacobs ou d’un Gardiner. Alarcón chante chaque mot, pour mieux transmettre aux chanteurs tout son amour pour cette musique. Et le résultat est là : enivrant !
Le concert s’est refermé sur un bis particulièrement touchant : le madrigal Lay a garland (Dépose une couronne) de Robert Lucas Pearsall, rendant ainsi hommage à leur ami et collègue, le baryton Alejandro Meerapfel, disparu tragiquement lors du dernier festival d’Ambronay.
Marion Guillemet
Versailles, Chapelle royale, 21 janvier 2024
Concert enregistré en 2021 à l’Auditorium de Radio France et diffusé sur France Musique : à réécouter : https://www.radiofrance.fr/francemusique/concerts/monteverdi-les-vepres-de-la-vierge/claudio-monteverdi-les-vepres-de-la-vierge-2120415
Photo © Vincent Ardelet
Derniers articles
-
22 Novembre 2024Alain COCHARD
-
22 Novembre 2024Alain COCHARD
-
21 Novembre 2024Jacqueline THUILLEUX