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L’Escadron Volant de la Reine au Festival de Saintes 2022 – Sous le charme napolitain – Compte-rendu
Depuis sa fondation il y a dix ans exactement, L’Escadron Volant de la Reine a su creuser son sillon et affirmer une identité d’abord appuyée sur la musique italienne des XVIIe et XVIIIe siècles. C’est d’ailleurs à Venise que sa dernière réalisation discographique conduisait avec un très bel album Giovanni Girolamo Kapsberger (1) associant pages vocales et instrumentales. L’ensemble en fera de même dans son prochain enregistrement, consacré pour l’essentiel à Alessandro Scarlatti (1660-1725), qui sera capté à Saintes en septembre prochain. Le public du Festival 2022 a eu la primeur du programme « Miserere per la Settimana Santa del cavaliere Alessandro Scarlatti » qui occupera le disque à venir. Intelligemment construit, il met avant tout en valeur des pages de musique sacrée pour la Semaine Sainte du susnommé, mais aussi des réalisations de Pietro Andrea Ziani (1616-1684) – l’un des professeurs de Scarlatti – et de Marc’Antonio Ziani (1653-175), son neveu.
Trop méconnue, la production de Scarlatti père témoigne pourtant de la place éminente occupée par Naples sur la carte de l’Europe musicale à l’époque baroque. Le Concerto grosso n° 1 en fa mineur ouvre un concert au cours duquel on trouve plus loin un Concerto grosso en ré mineur restitué par des archets non moins vivants, lyriques et stylés.
Première des trois compositions de cette catégorie au programme, le Miserere mei Deus per cinque voci et stromenti en ut mineur souligne d’emblée l’une des qualités premières de l’interprétation de L’Escadron : par-delà l’entente, la respiration commune, on ne peut qu’être admiratif de l’accord parfait entre les timbres des voix (Maïlys de Villoutreys, Eugénie Lefebvre William Shelton, Davy Cornillot, Renaud Brès) et ceux des instruments, de la poésie qui naît d’un rapport proprement fusionnel.
Les contrastes inhérents à l’enchaînement des œuvres (dont l’ordre a été largement modifié par rapport à celui annoncé dans le programme) contribuent aussi à la réussite de la soirée : par exemple le très concentré et dépouillé Miserere mei Deus per quattro voci en ré mineur dont l’écriture a cappella ne prend que plus de relief après les Lamentazioni per la Settima Santa au cours desquelles les instrumentistes ont offert le plus bel écrin à la voix expressive et virtuose de Maïlys de Villoutreys.
Quant à la musique des Ziani, on découvre avec plaisir la lumineuse Sonata a cinque voci de Pietro Andrea, dont la poésie comme suspendue dans l’espace du mouvement lent est remarquablement restituée, tandis que l’art de Marc’Antonio s’illustre avec la Prima lectiones pro defunctis a cinque voci. Une pièce singulière « con tre viole in concerto » qui permet à la riche basse de Renaud Brès de se distinguer. Avec son exubérant presto, la Sinfonia « Clori, Dorino, Amore » de Scarlatti prélude idéalement à l’œuvre du même placé en conclusion : le Miserere mei Deus per cinque voci et stromenti en mi mineur. La partition installe un dialogue entre l’une des sopranos (Eugénie Lefebvre en l’occurrence, très investie) et les quatre autres voix et trouve ici une interprétation pleine de relief qui exprime toute la somptuosité harmonique de l'écriture. Le Lachrymosa du Requiem de Scarlatti conclut et sera repris en bis pour le plus grand bonheur d’un public sous le charme ... napolitain !
Une soirée à marquer d'une pierre blanche dans le cours du toute dernière et riche édition de Stephan Maciejewski, qui quitte Saintes au terme d'un quart de siècle de mandat. Mais l'empreinte de David Théodoridès – ancien directeur du Festival Sinfonia – à la tête du CRR de l'Abbaye aux Dames se fait déjà sentir à travers la présence cette année de l'ensemble Les Suprises et de la compagnie La Tempête ; deux talentueuses formations dont le découvreur festival périgourdin a favorisé l'émergence dans le cadre de fructueuses résidences.
Alain Cochard
(1) Harmonia Mundi
Saintes, église Saint-Pierre, 20 juillet 2022 / Le programme "Miserere" de l'Escadron sera repris le 30 octobre prochain dans le cadre du Festival Au gré des Arts de Pranzac : augredesarts.org/event/alessandro-scarlatti-par-lensemble-lescadron-volant-de-la-reine/
Photo © Sébastien Laval
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