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Londres - Compte-rendu : Cura et Pappano illuminent La Fanciulla
Zurich et Londres sont les deux scènes qui osent encore afficher de nos jours La fanciulla del west, le célèbre western musical imaginé par Puccini en 1910. Il fallait donc franchir la Manche en cette rentrée lyrique, pour retrouver l’atmosphère saturée de la « Polka », saloon perdu en plein Far West et assister le temps d’une nuit enneigée, à l’idylle entre un bandit et une tenancière au grand coeur.
La production londonienne conçue par Piero Faggioni et son décorateur Kenneth Adam il y a plus de trente ans, pour Carol Neblett et Placido Domingo, commence à dater. Cette reconstitution hyperréaliste suit les indications du livret, certes avec force détails, mais sans le recul et la touche personnelle qui pourraient transcender ce qui demeure un exercice de style appliqué. Le saloon du 1er acte ressemble à tous les saloons, la cabane-refuge qui abrite les amours de Minnie et de Johnson, perdue dans la montagne, est la réplique de ces décors construits autrefois à la hâte par les studios de cinéma américains (acte 2) ; seule entorse aux didascalies, le campement du 3ème acte, se situe près de l’entrée d’une mine lugubre. Pour ajouter au réalisme, quelques visages burinés, un shérif usé, de paisibles indiens qui gravitent autour du couple Minnie/Jonhson, se disputent l’espace que l’on aurait aimé investi avec plus de conviction.
Uniquement dans la description, cette mise en scène conventionnelle n’évite pas les poncifs, dans le traitement des masses comme dans celui des individualités et reste trop lisse, là où l’on attend du transport, de la tension et de l’ardeur.
Après plusieurs triomphes enchaînés à Aix-en-Provence (Sieglinde), Paris (Elisabeth et l’Impératrice) et Bruxelles (Leonora de La Forza del destino), Eva Maria Westbroek n’a pas totalement convaincu. Prudente dès son entrée, cherchant à placer une voix rétive, la cantatrice a vite semblé dépassée par le format du rôle-titre, défendu autrefois avec incandescence par Eleanor Steber et Magda Olivero. La tessiture extrêmement tendue qui nécessite un medium corsé, un haut medium robuste et des aigus dardés, ne convient pas à sa typologie, le second acte la fatiguant et le 3ème la forçant à crier. Si son instrument ruisselant a su si bien s’imposer chez Wagner, Strauss et Verdi, c’est sans doute là qu’il faut creuser et laisser Puccini à d’autres. S’ajoute à ce portrait vocal en demi-teinte, une prestation scénique irrégulière, qui ne constitue pas un personnage. Plus proche de Sarah Bernhardt en tournée américaine, que de Joan Crawford dans le magnifique « Johnny Guitar » de Nicholas Ray, cette Minnie prête à sourire par ces gestes d’un autre âge, quand elle devrait émouvoir par son naturel et sa simplicité.
José Cura, qui tenait le rôle de Johnson en 2005 avec Andrea Gruber, permet de rééquilibrer le plateau. Magnétique, insolite et sympathique, son bandit attire comme un diamant noir par sa tranquille assurance et son regard de braise. L’interprète frappe juste dans chaque situation ; la voix ample et capiteuse sur tout le registre rappelle quel ténor immense se tient devant nous. Silvano Carroli, protagoniste de l’édition filmée à Covent Garden en 1982, est aujourd’hui un Jack Rance à bout de voix qui s’escrime en vain, à séduire Minnie et dont l’allure épuisée fait peine à voir. Bonaventura Bottone (Nick), Eric Halfvarson (Ashby), Daniel Sutin (Sonora) ou encore Clare Shearer (Wowkle) complètent dignement cette distribution.
A la tête de l’orchestre du ROH, le chef et directeur musical Antonio Pappano, instaure une direction subtile et enflammée qui ne perd jamais de vue le rythme de l’action. Comme Zubin Mehta (DG), aucune trace dans cette lecture minutieuse, d’épanchements narcissiques, ou de lyrisme éperdu, mais une narration concise, des atmosphères dépeintes avec clarté et une liberté de ton qui n’appartiennent qu’à lui. Pour Pappano et Cura, le voyage s’imposait.
François Lesueur
Londres - Royal Opera House Covent Garden – G. Puccini : La fanciulla del west - 19 septembre 2008.
Photo : DR
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