Journal
L’Orchestre National d’Ile-de-France et Ottavio Dantone à la salle Gaveau – Rutilant – Compte rendu
Festin de roi que ce concert pour lequel l’ONDIF, plus coutumier de répertoires romantiques ou contemporains, s’est placé sous la direction d’un des plus vigoureux lieutenants du baroque à ce jour : Ottavio Dantone remplaçait ici Enrique Mazzola (occupé par le Prophète de Meyerbeer à la Deutsche Oper Berlin), et on a pu juger des progrès accomplis par l’orchestre en appréciant cette adaptation à un univers qui n’est donc pas le sien. Il faut dire que les œuvres choisies avaient de quoi séduire, car il ne s’agissait pas ici de quelque vieux baroquisme quinteux, célébré par les puristes, mais d’œuvres somptueuses, dont la postérité a montré l’efficacité réjouissante : de Haendel, la 1ère Suite de la Water Music, puis la Musique pour les Feux d’artifice royaux.
Ottavio Dantone © Walter Capelli
Trois décennies environ séparent ces œuvres colorées, festives, trois décennies qui montrent combien Haendel a maîtrisé son style et enrichi sa palette. Water Music, encore inscrite dans les vestiges du Grand Siècle n’est pas sans montrer une influence de Lully, même si Haendel, encore mal en place en Angleterre, s’efforce d’y adopter le ton du son nouveau pays. Plus rien de ces souvenirs dans la Musique pour les Feux d’artifice royaux, où son génie explose et ne ressemble qu’à lui. Dantone est ici pleinement à son aise : vigoureux, la battue aussi énergique qu’il est nécessaire pour ces pièces de gloire, il les fait résonner superbement, sans une faille dans la réponse de l’orchestre, sinon quelques faiblesses du côté des cors. Méritoire, car on ne peut s’empêcher de songer que cette musique est décidément une musique de plein air, faite pour soutenir un spectacle, et que la resserrer dans la marmite de la salle de concerts exige un vouloir et une imagination débordants.
Autre son de cloches, ou plutôt de timbales avec la somptueuse Symphonie n°103 « Roulement de timbales » (1795), composée dans l’univers londonien par un Haydn enfin libéré de ses obligations à Eszterhaza. Superbe alternance d’effets et de chatoiements instrumentaux, l’un des sommets de son art, et interprétée ici avec une belle palette de couleurs et un maintien soutenu, Dantone ne laissant jamais l’orchestre se relâcher. On a beaucoup admiré la pureté et l’élégance du jeu de Ann-Estelle Médouze, violon supersoliste, dont la sonorité s’élevait au dessus des autres musiciens comme une sorte d’appel à l’harmonie. Un très beau moment, préparé en finesse par la pétillante ouverture du Monde de la lune, tout de grâce légère. Bref, le plein de vitamines !
Jacqueline Thuilleux
Paris, salle Gaveau, 28 novembre 2017; prochains concerts le 30 novembre à Courbevoie, Espace Carpeaux, le 1er décembre à Dourdan, Centre Culturel René Cassin, le 2 décembre à Bonneuil-sur-Marne, Salle Gérard Philipe, le 3 décembre à Suresnes, Théâtre Jean Vilar www.orchestre-ile.com
On peut également retrouver le style vigoureux d’Ottavio Dantone dans son nouveau CD, enregistré avec sa formation habituelle, l’Accademia Bizantina de Ravenne, et consacré à l’Art de la Fugue de Bach (DG)
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