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Lyon - Compte-rendu : Toute la vérité sur Eugène Onéguine
Peter Stein avait indiqué sa profession de foi : revenir à Pouchkine. Cela tombe bien, Tchaïkovski n’a apparemment rien prétendu faire d’autre, se fondant littéralement dans l’écriture du poète, en déduisant ses musiques si subtiles derrière le paravent d’un naturalisme psychologique assez flaubertien. Car si l’atmosphère d’Onéguine est pouchkinienne, la densité dramatique dans laquelle le compositeur l’a resserrée regarde vers toute une autre littérature.
Spectacle parfait, un rien trop « propre » et à la gestique datée comme on avait pu déjà le remarquer lors de la production de Mazeppa la saison passée, mais qui dans sa littéralité attentive ignore toute velléité de réinterprétation, et laisse parler la musique. Le héros de la soirée est sans conteste Kirill Petrenko : il a choisi la version de la création de l’œuvre par les forces du Conservatoire de Moscou, petit orchestre donc, pas trop chargé en cordes, où s’exaltent tous les concertatos de bois qui rendent l’écriture d’Onéguine si poétique. Le tout tenu avec un sens du tempo ouvert, large, toujours au service d’une pléiade de chanteurs qui nous ont peut être fait le plus bel Onéguine qu’on ait entendu.
Wojtek Drabowicz était audiblement fatigué par la série de représentations – nous avons assisté à l’avant dernière -, mais son interprétation sans noirceur, tout du long subtilement composée n’a simplement pas d’équivalent aujourd’hui. Tatiana pose toujours des défis considérables aux jeunes sopranos – et ce rôle exige une jeune fille et non une artiste chenue, Tchaïkovski s’est exprimé longuement à ce sujet - autant pour l’incarnation dramatique que pour le type de la voix. Olga Mykytenko possède le grand lyrique requis, avec pour la scène de la lettre une puissance dans la phonation et un aigu riche en harmoniques. La voix évolue avec le rôle, gagnant au dernier acte des registres dramatiques que l’on entend rarement : ce soir on eut l’intégralité du personnage de Tatiana, fait assez rare pour être noté. Avec cela, une silhouette élégante, une quasi-gravure romantique.
Marius Brenciu, souvent entendu au Capitole, réussissait un Lenski dangereux, instable, angoissé et pas seulement élégiaque, donnant là encore toute la mesure d’un rôle plus ambigu qu’il n’y paraît. Arrières plans somptueux, avec au sommet une Olga pétulante avec à peu près la voix du bon dieu, Elena Maximova, Toczyka pour sa célèbre (et indispensable) Madama Larina sur laquelle les années n’ont aucune prise, très fruitée et attendrissante Filipievna de Margarita Nekrasova, assez formidable Monsieur Triquet de Christophe Mortagne : l’esprit d’équipe, c’est probablement l’une des raisons du succès incontestable de ce cycle Tchaïkovski qui s’achèvera la saison prochaine avec La Dame de Pique.
Jean-Charles Hoffelé
Opéra de Lyon, le mardi 6 février 2007
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Photo : Franchella / Stofleth
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