On a voulu enfermer à tort Marek Janowski dans le rôle ingrat d’«éleveur d’orchestre». Façon polie de dire qu’il n’est pas commode… Comme il vient de le prouver une fois de plus en dirigeant par cœur les Six Pièces opus 6 de Webern et le poème symphonique Mort et transfiguration de Richard Strauss à la tête de son Orchestre de la Radio de Berlin, c’est d’abord un très grand chef, le vrai successeur de Wolfgang Sawallisch. La rigueur sans raideur de son Webern n’est au service que de la poésie des timbres. Strauss bénéficie du même traitement et du plus parfait respect du style sans rien de scolaire.

Le très beau programme de la soirée comprenait, mis en miroir, deux des plus célèbres œuvres de Wagner : les confessions amoureuses des cinq Wesendonck-Lieder et le fameux Prélude et Mort d’Isolde, symbole de l’amour en Occident. Si le chef et l’orchestre y furent, on s’en doute, irréprochables – rarement l’introduction de Tristan et Isolde n’a sonné plus poignante dans son absolue simplicité où l’irisation des timbres apprivoisait l’étrangeté de l’improbable accord initial – la soliste, la Suédoise Nina Stemme, ne fut malheureusement pas à la hauteur de sa réputation.

Voix usée, timbre monochrome, elle peut encore probablement faire illusion dans le brouhaha d’une représentation d’opéra. Mais les chants désespérés de Mathilde Wesendonck lui sont désormais inaccessibles. Allait-elle se rattraper dans le Liebestod de son double scénique Isolde ? Hélas non, sa voix n’a plus l’ampleur suffisante pour soulever les grandes vagues de la mer. Une partie du public applaudit l’exploit influencé par le souvenir du disque… et par la perfection de l’accompagnement.

Jacques Doucelin

Paris, Salle Pleyel, 6 mars 2012 (Concert diffusé en direct par France Musique).

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Photo : DR