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​Marguerite Canal à la Saison Européenne BnF–Radio France / Elles Women Composers – La simplicité du cœur – Compte-rendu

 
 
Ouverte en octobre dernier par des mélodies et des pages de musique de chambre d’Hedwige Chrétien, la saison de l’association Elles Women Composers à la BnF vient de se refermer avec des ouvrages du même genre, cette fois signés de Marguerite Canal (1890-1978), deuxième femme à avoir remporté le Grand Prix de Rome en 1920 (elle était premier second grand prix l’année précédente), sept ans après Lili Boulanger. Un fois de plus, de magnifiques découvertes attendaient les auditeurs dans la Salle Ovale de la Bnf au fil d'un programme aussi remarquablement construit que défendu.
 

Marguerite Canal en 1920 
 
La musique de Marguerite Canal (ancienne élève de Georges Marty, Henry Dallier et Georges Caussade au Conservatoire de Paris) résonne d’abord au piano, sous les doigts de Théo Fouchenneret, avec les Trois pièces romantiques – qui n’ont rien de bluettes de salon ! L’interprète sait donner toute son ampleur au Prélude, volubile et tempétueux, mêler rêverie et passion dans le Nocturne, avant de dérouler la Valse mélancolique avec charme et fluidité.
« J’ai toujours écrit dans la franchise et la simplicité du cœur, sous le choc d’une impression ou d’une émotion. Pas de système, confiait l'artiste toulousaine. » On trouve dans ces Trois pièces une belle illustration d’un propos très direct, et d’un sens profond du caractère qui s’illustre ensuite dans le bouquet de mélodies – puisées dans l’immense production de Marguerite Canal en ce domaine – que la mezzo Marielou Jacquard offre avec le concours de Théo Fouchenneret.
 

Théo Fouchenneret et Marielou Jacquard © BnF/Elles Women Composers
 
Luxueux accompagnement pour une chanteuse qui sait montrer combien la mélodie chez Canal résulte d’une relation très osmotique entre musique et poème. À une exception près, elle chante par cœur et convainc autant dans les évocateurs et prégnants Trois chants extraits du Cantique des Cantiques, que dans les couleurs tendres de la Dormeuse et de la Fileuse (tirées des Quatre Berceuses) ou la sensuelle langueur de Je sais des airs anciens, bien aidée par un clavier raffiné. Le drame est présent aussi : on est proprement saisi par Le regard éternel et Chanson de l’aube (sur des vers de Paul Fort) et par Largue la voile et Sous l’vent du nord (deux pièces de la fin des années 30 sur des poèmes de Lucie Paul-Margueritte) où mer et amour blessé par l’infidélité se mêlent de dramatique et brûlante façon. De vrais bijoux ignorés du répertoire de la mélodie.
 

Pierre et Théo Fouchenneret © BnF/Elles Women Composers
 
Pour les plus curieux de musique française rare, la Sonate pour violon et piano (écrite en 1922 durant le séjour de Marguerite Canal à la Villa Médicis) n’est pas une inconnue puisque Guillaume Chilemme et Nathanaël Gouin en ont signé un bel enregistrement (chez Maguelone) il y a une dizaine d’années. Mais on ne boude pas le bonheur d’entendre cette composition (en quatre mouvements) par Pierre Fouchenneret et son frère Théo, tant ils savent souligner la vocalité de l’Andantino initial et de l’Adagio espressivo, et trouver la pulsation dramatique du Sourd et haletant et du finale Allegro con bravura, emporté avec intensité mais nulle extériorité.
Point d’ouvrage pour voix, violon et piano dans la production de Marguerite Canal : clin d’œil au début de saison, Pour ceux qui s’aiment d’Hedwige Chrétien réunit les trois interprètes en bis et clôt le concert de la plus poétique manière.

Une excellente nouvelle enfin : on apprend qu'un album Marguerite Canal est prévu par le label La Boîte à Pépites
 
Alain Cochard
 

 

Voir les prochains concerts de musique de chambre à Paris et RP

Paris, Bibliothèque nationale de France, Salle Ovale, 10 juin 2024.
 
Festival « Un Temps pour Elles » : elleswomencomposers.com/festival-un-temps-pour-elles/
 
Photo © BnF/Elles Women Composers 

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