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Marie-Catherine Girod au Festival de la Roque d’Anthéron 2022 — Coup de cœur pour Fanny
Présente l’an dernier au Festival de la Roque d’Anthéron, Marie-Catherine Girod y a offert un récital tout entier occupé par des compositrices, qui faisait écho à la sortie d’un très bel enregistrement tout féminin (Mirare) où l’on trouve bien évidemment deux noms particulièrement chers à son cœur : Fanny Henselt-Mendelsssohn et Mel Bonis.(1)
La pianiste n’a pas hésité lorsque René Martin lui a proposé de participer à la « Journée Mendelssohn » du 23 juillet car le compositeur est depuis un bon moment présent dans son univers. « L’amour pour la musique de Felix Mendelssohn date des années 2000, se remémore-t-elle, lorsque je me suis lancée dans l’enregistrement intégral de sa musique pour piano, réalisé entre 2004 et 2008.(2) A cette époque là, je ne connaissais pas encore la musique de Fanny ; c’est venu une dizaine d’années plus tard et elle a vraiment fait partie de mes coups de cœur avec Mel Bonis. »
Gémellité parfaite
Pour Marie-Catherine Girod, un pogramme Mendelssohn se devait de mêler des pages de Felix (1809-1847) et de Fanny (1805-1847). « Ils sont pratiquement au même niveau, on découvre une gémellité parfaite dans l’écriture, vraiment le même langage pianistique et harmonique. Il y a deux ans à la Roque j’avais donné en bis une romance de Fanny sans l’annoncer et j’avais ensuite demandé au public de choisir entre Felix et Fanny ... Il y avait beaucoup de réponses fausses !
En contraste total avec Clara Schumann
L’évocation des compositrices allemandes de l’époque romantique conduit souvent à rapprocher les noms de Fanny Mendelssohn et de Clara Schumann (1819-1896). « Il y a une différence énorme entre elles, souligne Marie-Catherine Girod, la façon d’écrire n’est pas du tout la même. On trouve quelque chose d’un peu abrupt dans la musique de Clara Schumann, une certaine violence, qui n’existe pas du tout dans celle de Fanny, d’un profond raffinement. Clara montre de très belles idées mélodiques, mais il lui arrive de sauter d’une idée à une autre parfois sans lien, ce qui procure une sensation curieuse à l’interprète. De façon générale – avec des exceptions évidemment telles que la 1ère Romance ou les scherzos, très brillants – c’est une musique plus difficile à faire passer en public que celle de Fanny. Je ne nie pas son inventivité, mais parfois l’idée est là, assénée, pas suggérée du tout, ce qui laisse assez peu de choix à l’interprète. Clara était pianiste concertiste, nageait dans ce milieu et n’a pas tellement subi d’empêchement pour jouer du piano ou composer, même si son mari pensait que la place d’une femme est à la cuisine – et à s’occuper des enfants surtout ! — ; elle a été moins brimée que Fanny, qui a souffert d’un empêchement d’éditer — tout a été publié après sa mort par son fils — et elle a été uniquement soutenue par son mari, car on ne peut pas dire que même son frère ait beaucoup apprécié le fait qu’elle composât et veuille se faire éditer ... »
L’art des enchaînements
Construire un programme associant Felix et Fanny ? « Je tenais absolument à jouer trois ouvrages que je juge majeurs chez Felix : bien évidemment les Variations sérieuses et le Rondo capriccioso, mais aussi la Fantaisie en fa dièse mineur op. 28 qui, malgré un deuxième mouvement un peu pauvre, constitue à mon sens une partition importante – à la fois fantaisie et sonate. À partir de là, la nécessité de tenir un programme d’une heure environ m’a amenée à privilégier des pièces plutôt courtes de Fanny (Notturno napolitano, Mélodies op. 4 et op. 5, Klavierstück en ré mineur). Le plus difficile a sans doute été de déterminer un déroulement qui me satisfasse pleinement, car j’attache la plus grande attention l’enchaînement des tonalités. »
L’accord parfait entre le jeu ailé, la sensibilité pleine de tact de l’interprète et ce répertoire augure d’un grand moment de bonheur le 23 juillet à l’Auditorium Centre Marcel Pagnol de La Roque d’Anthéron. Le bonheur ne s’arrêtera d’ailleurs pas là s’agissant de la musique de Fanny Mendelssohn puisqu’elle occupe la totalité du récital que Marie-Catherine Girod donnera le 19 octobre à la salle Cortot.(3) Bonheur qui serait total si le disque lui offrait l’occasion d’enregistrer une anthologie du piano de la compositrice ...
Alain Cochard
(Entretien avec Marie-Catherine Girod réalisé le 13 juillet 2022)
Marie-Catherine Girod, piano
Œuvres de Felix & Fanny Mendelssohn
23 juillet – 11h
La Roque d’Anthéron – Auditorium Centre Marcel Pagnol
www.festival-piano.com/fpr_spectacle/22-07-23_11h_salle-des-fetes_girod/
(1) www.concertclassic.com/article/regards-de-femmes-au-41e-festival-de-la-roque-dantheron-marie-catherine-girod-celia-oneto
(2) Un coffret de 8 CD – Saphir Productions / LVC 001089
(3) www.sallecortot.com/concert/marie-catherine-girod-.htm?idr=36230 (récital commenté par Stéphane Friedrich)
Photo © Valentine Chauvin
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