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Mathieu Gardon, baryton – Vous avez dit révélation ?
On avait découvert Mathieu Gardon dans le cadre d’un pétillant spectacle Ravel/Tailleferre mis en scène par Benoît Bénichou au CNSM de Lyon en janvier 2013(1), puis retrouvé le baryton début août parmi les Révélations classiques de l’Adami, présentées comme tous les ans au Festival de Prades. Le jeune baryton a répondu à nos questions alors qu’il était sur le point d’attaquer les répétitions des Mamelles de Tirésias de Poulenc (version pour deux pianos de Britten), que La Monnaie reprend du 16 au 19 janvier (2) - un spectacle venu d’Aix-en-Provence - , et que son nom figure dans la short list des Révélations lyriques des Victoires de la Musique. Le moment de l’envol est à l’évidence venu pour un artiste au parcours original.
A l’instar d’un très grand pianiste français, c’est par le saxophone que Mathieu Gardon (né en 1987) commence la musique (un peu d’orgue aussi), au Conservatoire de Mâcon à l’âge de cinq ans. «A huit ans je suis entré dans la Maîtrise du conservatoire, se souvient-il, j’ai fini ma mue en étant encore à la Maîtrise et par la suite je suis entré dans la classe de chant. J’ai senti que je n’avais pas envie de lâcher. » L’avenir ? Mathieu Gardon se tourne d’abord vers la médecine et vient étudier à Lyon, tout en poursuivant le chant à l’ENM de Villeurbanne dans la classe de Catherine Maerten. « J’y suis resté jusqu’au moment où j’ai passé mon diplôme de sage-femme, en 2010. Le jour où je l’ai obtenu, je suis entré au CNSM de Lyon dans la classe de Françoise Pollet. Je suis actuellement en fin d’études (Master 2). » Rencontre décisive pour le jeune chanteur que celle avec F. Pollet. « C’est une grande artiste, elle nous communique toute l’expérience qu’elle a pu avoir de la scène, du concert, du chant en général. Cela nous donne un bagage très riche pour affronter l’aspect musical du métier bien sûr, mais tout ce qu’il y a autour aussi ; la gestuelle, le rapport à la scène, la préparation d’un rôle. »
L’Opéra de Lyon s’attache à mettre le pied à l’étrier aux jeunes chanteurs avec son Opéra Studio : Mathieu Gardon en est membre depuis la rentrée dernière et en mars prochain (au Théâtre de la Renaissance d’Oullins) il comptera parmi les protagonistes de la création de Steve Five, opéra multimédia de Roland Auzet. Parallèlement aux études au CNSMDL, le baryton multiplie les expériences musicales et scéniques. L’an passé à Aix-en-Provence, l’Académie du Festival a fait appel à lui pour le rôle Directeur du théâtre dans la production des Mamelles de Tirésias mise en scène par Ted Huffman. « C’est tellement incroyable de se retrouver dans ce Festival, de côtoyer de très grands chanteurs qui répètent d’autres spectacles … On arrive à Aix et l’on est pris dans un flot de musique. Dans la version des Mamelles montée à Aix nous chantons à la fois nos rôles et les ensembles. Nous sommes donc tous sur scène pendant une heure ; tout de suite nous sommes entendus, ça a été une expérience magnifique ! » La collaboration avec Ted Huffman ? « Un travail très intéressant, les Américains ont une rigueur incroyable. C’est un spectacle exigeant, très physique, on est tout le temps en action, en éveil. Ted Huffman ne nous ne lâche pas un seul instant. »
Avec Les Mamelles de Tirésias, Mathieu Gardon revient à la musique française qu’il fréquente beaucoup - et qui lui convient si bien ! « Dès mes premières années de chant j’ai abordé beaucoup de mélodies (Poulenc, Debussy) car ça correspond à ma tessiture. Il y a de quoi faire pour les barytons en ce domaine ! Petit à petit, j’ai pris goût à ce répertoire et Françoise Pollet ainsi qu’Hélène Lucas, grande spécialiste de la mélodie française, m’ont incité à l’approfondir. » Laisser le temps au temps : Mathieu Gardon sait qu’il est un peu tôt encore pour aborder à la scène certains rôles de la littérature du XIXe siècle, mais il s’y prépare, calmement. Le baroque français et la musique du XXe siècle lui vont comme un gant et, pour l’instant, il savoure de nombreuses incursions en ces domaines.
Formidable coup de projecteur en tout cas pour l’artiste que sa présence parmi les Révélations classiques de l’Adami 2013 : « c’est une très belle carte de visite. Plusieurs fois on m’a appelé sur des projets pour auditionner, ou même sans auditionner, car ces Révélations Adami sont un garant de qualité. » Sa présence parmi les trois artistes lyriques “nominés“ pour les Révélations des Victoires de la Musique ? « Ça a été une grosse et un très belles surprise ; je ne m’y attendais pas du tout, avoue-t-il. Comme j’avais été Révélation Adami j’étais automatiquement présélectionné pour les Victoires. J’ai envoyé mon dossier sans vraiment imaginer que puisse être nommé. » Heureux de ce qui lui arrive, le jeune baryton garde la tête froide. « Je m’attache simplement à montrer ce que j’aime faire dans la musique… Ça m’amènera où ça m’amènera, c’est en tout cas déjà une chance incroyable… » Carpe diem.
Entretien réalisé par Alain Cochard, le 8 janvier 2014
Voir la vidéo de Mathieu Gardon au Festival de Prades
- http://www.concertclassic.com/article/ravel-et-tailleferre-au-cnsmd-de-lyon-energie-et-talent-compte-rendu
- Les Mamelles de Tirésias / Bruxelles – Théâtre de La Monnaie / Rens. : http://www.lamonnaie.be/fr/opera/353/Les-Mamelles-de-Tiresias&tab=Cast
- http://www.opera-lyon.com/spectacles/opera/fiche-opera/fichespectacle/steve-five-king-different/#.UtU0Pup5PXU
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