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Rusalka à l’Opéra de Marseille – Ondines à l’heure – Compte rendu
![](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/styles/asset_picture_default_400x250/public/rusalka_4_.jpg?itok=-aPQ7jx5)
D’Avignon à Nice et de Toulon à Marseille, elle aura fait du chemin cette coproduction de l’ouvrage de Dvořák initiée par la Région Sud, tout comme la mise en scène et la scénographie du duo Clarac/Deleuil aura fait couler de l’encre. Ici point de lac ni de forêt profonde mais une piscine, ses lignes d’eau, son plongeoir et ses tribunes pour seul décor agrémenté, si l’on peut dire, par de multiples projections de vidéos plus ou moins bienvenues …
La sorcière Jezibaba n’est autre qu’une technicienne de surface chargée de nettoyer les margelles carrelées avec son balai à franges, en lieu et place de celui chevauché habituellement par les dames au long chapeau pointu, et Vodnik, l’esprit du lac, longs cheveux blonds délavés et lunettes blanches épaisses, est le clone de Philippe Lucas, célèbre maître nageur – qui, soit dit en passant, n’a jamais dirigé de nageuses synchronisées.
![© Christian Dresse](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/rusalka_3_.jpg)
© Christian Dresse
C’est pourtant dans l’univers si particulier de cette pratique sportive où les adolescentes, maquillées à outrance, doivent ressembler à des femmes, où l’on répète sans cesse sur les plages les mouvements à effectuer sous l’eau, où les sourires crispés et obligatoires sont de rigueur, que Clarac et Deleuil installent le conte. Pour l’occasion, les ondines, Rusalka et ses sœurs, ne sont autres que les membres d’une équipe de natation synchronisée.
Le choix est osé mais pertinent lorsqu’on sait que le propos développé est la volonté d’une jeune fille romantique de devenir femme, d’une ondine d’accéder au monde des humains, quel qu’en soit le prix, afin de pouvoir aimer le beau prince volage. Mais pour y parvenir elle signera un marché de dupes avec Jezilbaba. Elle y perdra la voix, le charme, l’amour et sa naïveté… Cruel mais réaliste. Chacun appréciera comme il l’entend ce travail qui, détail plein d’humour, s’organise autour de trois mises en abyme délicieuses avec les présences, au fond de la piscine, d’un bassin gonflable pour enfants au premier acte, d’un bocal XXL avec un poisson rouge au deuxième acte et d’une baignoire au troisième !
![](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/rusalka_gueze_schnoor_a_table_et_lesprit_du_lac.jpg)
© Christian Dresse
Vocalement et scéniquement, les ondines sont à la bonne heure au rendez-vous fixé sur le plateau de l’Opéra de Marseille. A commencer par la soprano roumaine Cristina Pasaroiu (photo) qui, entre deux concerts avec Andrea Bocelli, incarne idéalement cette Rusalka. L’émotion et le doute emplissent son jeu et sa voix dont elle maîtrise la puissance et les couleurs. Elle s’intègre sans problème dans cet environnement si particulier voulu par la mise en scène et arrive a donner sens et âme à son personnage. Ses sœurs, les trois nymphes, Mathilde Lemaire, Marie Kalinine et Hagar Sharvit, sont pétillantes et très présentes, voix bien placées et charmes de sortie ; un beau trio lui aussi au service du travail scénique aux côtés des danseuses Laura Bourguet, Axelle Rabia et Malaury Delenclos.
> Voir l'extrait vidéo filmé au Grand Théâtre de Bordeaux <
![](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/rusalka_5_.jpg)
© Christian Dresse
Camille Schnoor procure sans faillir son côté séducteur et inquiétant à la Princesse étrangère ; voix solide, soprano lyrique sombre, la Franco-allemande née à Nice convainc dans ce rôle maîtrisé. La Jezilbaba de Marion Lebègue, qui connaît un rôle qu’elle a déjà embrassé, elle aussi, dans cette production, est en place vocalement et scéniquement, de même que le garçon de cuisine de Coline Dutilleul et que le garde forestier de Philippe-Nicolas Martin. Le Prince, incarné par Sébastien Guèze, a connu quelques passages vocaux délicats qui n’ont en aucun cas nuit à la qualité de sa présence scénique et Mischa Schelomianski a su donner sa dimension ambiguë à Vodnik, esprit du lac évoluant toujours entre deux eaux.
![© Marc Ginot](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/lawrence_foster_-_credit_marc_ginot.jpg)
Lauwrence Foster © Marc Ginot
Pour nombre de spectateurs, la programmation de cette œuvre a permis de découvrir une œuvre majeure de Dvořák, partition que touche parfois au sublime comme la complainte de l’esprit du lac, au deuxième acte, désespéré d’assister à la chute de sa fille préférée. Du romantisme, des racines populaires, des accents puissants, une âme slave : l’orchestre s’empare de l’ouvrage pour lui conférer toute sa dimension onirique sous la direction de Lawrence Foster. Il faut dire que l’ex-directeur musical de l’Opéra de Marseille est ici en terre d’élection et qu’il ne passe jamais à côté d’une nuance, d’une attaque appuyée ou de moments de douceur féerique. Dans la salle, le public, singulièrement rajeuni, a apprécié, tout en réservant un accueil mitigé aux artisans du travail scénique.
Michel Egéa
![](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/logoccbreves_6.png)
> Les prochains concerts "Dvorak" <
Dvořák : Rusalka – Marseille, Opéra, 11 février ; prochaines représentations les 13 février & 16 février 2025 // opera-odeon.marseille.fr/programmation/rusalka
© Christian Dresse
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