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Metz - Compte-rendu : Magnifique Traviata de Marie-Paule Dotti
L’hôtel « Lutétia » et le Paris de l’occupation : tel est le cadre de la Traviata que propose Nadine Duffaut à l’Opéra Théâtre de Metz sous la baguette experte de Claude Schnitzler. Dans ce contexte lourd de conséquence pour Violetta, notre « Dévoyée » rencontrera celui qui pourra lui redonner quelques espoirs sur la gent masculine, mais ne pourra échapper à la déchéance finale - être tondue pour avoir collaborer avec l’occupant.
Avec bravoure, Marie-Paule Dotti s’attaque à ce rôle éprouvant pour lequel il est de tradition de prétendre qu’il faut deux voix pour rendre l’exacte « vocalità » souhaitée par Verdi. Le médium est large, les aigus bien placés, les vocalises de la scène finale du premier acte impeccables, avec des couleurs variées qui permettent de différencier chaque couplet. Elle couronne le tout avec un contre-mi qui en ferait pâlir plus d’une… Son deuxième acte est chanté avec une grande humanité ; « Dite a la giovine » murmuré avec un appui sur le souffle irréprochable. Le troisième acte fait passer des frissons dans la salle : une profonde tristesse baigne la lecture de la lettre, « Addio del passato » constitue un moment d’anthologie. Une grande Traviata régnait ce soir là sur la scène messine, d’autant que la partition était donnée dans son intégralité avec toutes les cabalettes et reprises.
Dominic Natoli, que l’on avait pu applaudir « In loco » dans Gustavo III, fait partie de ces interprètes que l’on pensait ne plus voir sur une scène, et qui assurent le minimum syndical. Le comédien se révèle gauche et maladroit, la voix pincée sans aucun charisme. Ses interventions aux côtés de sa partenaire soulignent à gros traits son impossibilité à incarner Alfredo.
Excellent Germont de Marcel Vanaud. La voix bien timbrée avec une belle projection remplit la salle ; ses premières interventions avec Violetta font l’effet d’un coup de tonnerre. Adroit, le comédien sait plier son immense voix pour lui donner des couleurs automnales et l’emplir de compassion envers celle à qui il demandera le sacrifice qui la brisera à jamais. Sa cabalette à la fin du premier tableau du deuxième acte offre un bel exemple de chant verdien.
La direction raffinée et précise de Claude Schnitzler s’impose comme le maître d’œuvre du spectacle Dans la lignée des grands chefs de théâtre (Etcheverry, Dervaux), le maestro connaît sa partition sur le bout des doigts. Il varie les couleurs à merveille et sa battue donne un allant à la représentation, conduite tel un immense crescendo. Dans ce contexte, les cordes de l’Orchestre National de Lorraine se parent de mille couleurs. Les cuivres rongent leur frein tout en préparant l’explosion finale du deuxième acte qui déclenche une tempête sonore dans la fosse.
Les instants d’intimité sont soutenus sans aucune mièvrerie et Schnitzler apporte aux voix une assise qui leur procure un confort extrême. Ce grand art permet à l’héroïne de briller de tous ses feux. Les interventions du chœur, admirablement préparé par Jean-Pierre Aniorte, en font un partenaire à part entière. Voix homogènes, nuances parfaites, et justesse irréprochable. Cet ensemble hautement professionnel bénéficie des compétences de l’immense musicien qu’est Jean-Pierre Aniorte.
Bernard Niedda
Metz le 3 octobre 2006
Photo : DR
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