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Midi-Pyrénées - Compte-rendu : Toulouse au cœur de l’Europe
Avec 70 rendez-vous répartis sur trois semaines et quelque 13 000 auditeurs annuels, Toulouse les Orgues [TLO] n'est pas devenu par hasard le navire amiral des festivals d'orgue en France. Deux personnalités toulousaines sont à l'origine des conditions ayant ensuite permis la création du Festival : Xavier Darasse (1934-1992), qui œuvra à l'élargissement du patrimoine organistique déjà opulent de la Ville rose (ainsi avec l'exceptionnel Ahrend, 1981, de l'église-musée des Augustins, d'esthétique baroque nord-allemande) tout en faisant de Toulouse un centre musical de réputation internationale, mais aussi Pierre Baudis (1916-1997), maire de Toulouse et passionné d'orgue, dont le fils, Dominique, devenu maire à son tour, poursuivit l'engagement – la Ville est restée depuis le principal soutien de TLO.
C'est en 1996 que Michel Bouvard et Jan Willem Jansen, lors de la restauration du mythique Cavaillé-Coll (1889) de la basilique Saint-Sernin, eurent l'idée d'une rencontre internationale afin de mettre en valeur le patrimoine de Toulouse (qui en dépit de la proximité de l'Espagne n'a pas encore d'orgue de facture ibérique – cf. le projet soutenu par Chamada Tolosa pour l'église-musée des Jacobins) et de la Région Midi-Pyrénées : fameuses « journées-région », cette année dans le Tarn, le Gers, la Haute-Garonne, le Quercy et jusqu'en Périgord. Avec cette 13ème édition se confirme l'extrême inventivité d'une programmation élaborée sous l'égide de J.W. Jansen et mise en œuvre par l'Association TLO, activement présidée par Jean-Jacques Germain.
Hommage à Jean Boyer
Parmi les temps forts du premier week-end, hommage fut rendu le samedi 4 octobre à un insigne poète de l'orgue : Jean Boyer (1948-2004), ancien disciple de Darasse et lui-même pédagogue de renom – conférence et concert de Georges Guillard à Saint-Caprais, concerts d'Aude Heurtematte à l'orgue classique français des Chartreux, de Lisbeth Schlumberger aux deux orgues de Notre-Dame de la Daurade (radieuses Études en canon de Schumann sur le petit orgue Puget) et de Philippe Lefebvre à Saint-Sernin. Le concert du soir réunissait l'Ensemble Les Parodies Organisées et Michel Alabau (articulation et toucher merveilleusement lyriques et chantants sur l'Ahrend des Augustins !) : transcriptions d'œuvres de Haendel, Corelli, Albinoni et J.S. Bach, ou comment redécouvrir sous un jour étonnamment nouveau des pages aussi célèbres que réellement métamorphosées – quelques difficultés d'intonation et de synchronisation (cordes) dans une acoustique somptueuse mais redoutable, peu de choses en regard d'un concert enthousiasmant et jubilatoire.
Escales Romaines
TLO, le beau temps aidant, c'est un peu la Croisette pour la diversité de l'offre – mais avec un constant renouvellement du cadre. Le dimanche, après la traditionnelle « messe du Festival », à la cathédrale Saint-Étienne (retransmise par France 2), le non moins traditionnel « concert aubade », au grand-orgue vertigineusement accroché au pignon séparant nef et chœur de ce lieu insolite, par Stéphane Bois (cathédrale de Mirepoix) et Matthieu De Miguel pour Mozart et Ravel à quatre mains – l'orgue au-delà de ses frontières « naturelles » : Ouverture de La Flûte enchantée, Allegro final de la 4e Symphonie de Brahms – transcrit et restitué par S. Bois avec une ampleur et une acuité confondantes – puis quatre pièces du Tombeau de Couperin : d'autres univers, de timbres et de proportions. Non seulement convaincant musicalement mais idéal pour battre en brèche maints préjugés quant aux possibilités du roi des instruments.
Le concert de l'après-midi, à la Daurade, réservait une belle surprise : Les Grands Prix de Rome, alternance de textes (mémoires, correspondance) dits avec mordant par le comédien Bertrand Schiro et de pages musicales, le tout signé Berlioz, Gounod, Pierné, Bizet, Schmitt, Dupré, Dutilleux, Litaize… Au grand-orgue Gabriel Marghieri, avec Jennifer Tani (mezzo-soprano) et l'étonnant Trio George Sand, d'une implication souveraine : Virginie Buscail (violon), Nadine Pierre (violoncelle), Anne-Lise Gastaldi (piano). Pas de grandes œuvres (bien que Printemps de Debussy et D'un matin de printemps de Lili Boulanger, pages pour trio avec piano, soient d'une force tout simplement subjuguante), mais un camaïeu d'impressions alliant avec subtilité charme et émotion.
Danse aux Augustins
Retour aux Chartreux le lundi pour un concert de midi : Yeon-Ju Kim (Corée / CNSM de Paris), d'une tonicité et d'une tenue stylistique probantes, jouait Titelouze et Dumage – émerveillement devant une jeune musicienne issue d'un univers si différent faisant sien l'esprit d'un répertoire à ce point spécifique. Le soir, orgue et danse aux Augustins : Bernard Foccroulle, fidèle à ses goûts d'interprète et de compositeur, fit d'abord dialoguer Arnold Schlick (avant 1460-après 1521) et son propre cycle Spiegel (2005) dans une harmonie aussi souplement contrastée que fusionnelle, puis Dusapin (Memory, 2008) et Bach (Fantaisie de choral BWV 1128 tout récemment découverte), Berio (Fa-Si, 1975) et Buxtehude. Au centre de la nef, quatre danseurs venus de Bruxelles, Athènes, Chicago/Anvers dans une chorégraphie de et avec Salva Sanchis (Espagne) (photo).
Mouvements épurés, atemporels, et précision du geste démultipliée, d'une grâce évoquant l'Inde, mais semblant mener une vie quasi indépendante de la musique, sans hiatus cependant – sauf dans la Toccata en fa majeur de Buxtehude où musique et danse partagèrent vraiment une même dynamique, un même souffle. Dès le lendemain midi (mardi), François Espinasse offrait un virevoltant récital de musique ancienne et contemporaine à l'orgue classique italien (Tamburini, 1980) de la chapelle Saint-Anne, invitation à poursuivre le voyage…
10ème Concours Xavier Darasse
Parallèlement à sa programmation, TLO avait convié à Toulouse le groupement des facteurs d'orgue français pour discuter des difficultés actuelles de la profession, quand dans le même était présentée à la Médiathèque – l'émission de Benjamin François Organo Pleno (France Musique), retransmise en direct depuis Toulouse le lundi 6, s'en est fait l'écho – l'exposition de Jean-Claude Guidarini Les Puget : une dynastie de facteurs d'orgue à Toulouse – qui en trois générations érigea de magnifiques instruments aujourd'hui pour la plupart défigurés ou disparus. La vie de festivalier ne connaissant de répit, le public put également assister au 10ème Concours International Xavier Darasse, organisé par Les Arts Renaissants dans le cadre de TLO. Concours sans équivalent : chaque candidat choisit son programme, entièrement libre, mais aussi l'instrument sur lequel il jouera.
Les membres du jury, musiciens et directeurs artistiques représentant les villes réunies au sein de l'association ECHO (European Cities of Historical Organs), n'ont qu'une seule « consigne » : choisir le musicien qu'ils aimeraient inviter dans leurs festivals respectifs. Autre particularité : les prestations des quatre finalistes prennent la forme d'un concert individuel pour TLO. Le premier prix a été décerné au Français Yoann Tardivel Erchoff, lequel devient – nouvel enjeu du concours – le premier à porter le titre d'« organiste de l'ECHO » et sera invité à donner un concert dans chaque ville de l'association – tout comme, ad libitum, les autres candidats et/ou finalistes qui auront su, au fil des épreuves, séduire le jury.
Michel Roubinet
13e Festival Toulouse les Orgues, du 3 au 19 octobre 2008
Sites Internet :
Toulouse les Orgues : http://www.toulouse-les-orgues.org/
ECHO : http://www.echo-organs.org/
Les Arts Renaissants [Concours Xavier Darasse] : http://www.les-arts-renaissants.org/
Chamada Tolosa : http://www.france-orgue.fr/chamada-tolosa/
Les prochains concerts à Toulouse
Photo : DR
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