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Montpellier - Compte-rendu : le pied de nez des Alagna dans Cyrano de Bergerac d’Alfano
Quelques semaines après le désistement de Placido Domingo au Met dans ce même opéra, Alagna pointait son nez et triomphait le 16 mars au soir, devant un public conquis. A la seconde, cependant, il était annoncé souffrant. Ayant accepté d’assurer le spectacle, malgré une voix grise et une émission rebelle, il dû s’interrompre après quelques mesures, s’excuser d’avoir contracté une trachéite et de ne pas être en mesure de donner la pleine puissance de ses moyens. Applaudi, il reprenait sa tirade, handicapé dans l’aigu, très sollicité, gêné par les écarts meurtriers qui ponctuent sa partie, il terminait l’acte en marquant, avant de rendre les armes dès le rideau baissé.
Déçu, le public imaginait devoir quitter la salle et attendait sagement, avant d’apprendre le remplacement in extremis de Roberto Alagna, par le jeune ténor Eric Bertalloni, qui avait assisté aux répétitions et consentait à lui succéder au pied levé, pour sauver la représentation. Une fois le courage et la reconnaissance passés, il fallut bien admettre que les conditions n’étaient pas optimales pour apprécier cette œuvre si longtemps délaissée, à sa juste valeur.
Chez Ragueneau le ténor avance avec prudence, d’une voix faible – on peut comprendre son appréhension – mais au balcon on attend qu’il s’impose, manie le verbe et la langue avec éloquence, quant il ose à peine élever le ton et prendre les devants. Passant totalement inaperçu à Arras, il faut attendre le dernier acte pour le sentir enfin plus confiant, manifestement plus à l’aise dans le registre de l’émotion que dans celui de la bravoure. Aidé par une musique superbe, aux accents subtils et envoûtants, Eric Bertalloni a eu « du nez » pour toucher le public et donner certes un peu tard, le meilleur de lui-même, en terme de couleurs, de prosodie et d’impact scénique. C’est peu, mais suffisant pour emporter un petit bout de ce Cyrano manqué. Dirigée avec amour et méticulosité, mais sans l’ardeur des grands soirs, par Marco Guidarini, contrarié par ces rebondissements, la partition n’a révélé que par intermittence les beautés de son orchestration et la richesse de ses longues descriptions.
Guindée, la Roxane de Nathalie Manfrino est interprétée dans un style honorable, mais extrêmement démodé, qui prive cette jeune première de sa vivacité et de sa juvénilité. Richard Troxell apparaît gauche dans le rôle de Christian, dénaturé par un accent fâcheux, tandis que Philippe Georges traite De Guiche par dessus la jambe, d’une voix molle. Restent Pierre-Yves Pruvot (Ragueneau), Jean-Luc Ballestra (Caron/ De Valvert), Richard Rittelmann (Le Bret) et Christine Tocci (La Duègne/ Sœur Marthe), heureusement là pour rehausser le niveau général.
En guise de mise en scène, quelques déplacements patauds, des choristes et des figurants, affublés d’affreux costumes, réfugiés en fond de scène, un cheval, des fumigènes et des pétards, le tout dans des décors dignes des plus belles heures de « Au théâtre ce soir » : les frères Alagna ne se sont pas fatigués. Un « pied de nez » sans doute.
François Lesueur
Montpellier, Opéra Berlioz-le Corum, le 19 mars.
Cyrano de Bergerac d’Alfano avec Roberto Alagna en DVD
Programme de l’Opéra Berlioz – le Corum
Photo : Marc Ginot/Opéra National de Montpellier
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