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Musique du Grand Siècle aux Invalides – Hervé Niquet, guide et maître à jouer des étudiants du Conservatoire – Compte-rendu

Au printemps 2020 seront célébrés les 350 ans de la fondation de l'Hôtel des Invalides par Louis XIV, le 24 février 1670, avec trois concerts spécifiquement dédiés à ces commémorations (5, 10 et 16 mars) : Les Paladins, Jérôme Correas ; Le Concert spirituel, Hervé Niquet ; Les Solistes du Concert de la Loge, Julien Chauvin. Le tout s'inscrit dans le cadre de la 26ème édition de la Saison Musicale des Invalides (1), dont le Conservatoire de Paris n'a cessé, depuis l'origine, d'être un partenaire privilégié. C'est dans ce contexte pédagogique qu'Hervé Niquet donnait à Marc-Antoine Charpentier ce premier rendez-vous de la saison : concert de clôture d'une session de formation à l'esprit du Grand Siècle, instrumentistes et solistes vocaux – tous singulièrement aguerris – étant élèves des Départements de Musique ancienne et des Disciplines vocales du Conservatoire de Paris.
 
Coproduit par le CNSMDP et le Musée de l'Armée, le concert se voulait le reflet d'un office d'apparat à la fin du XVIIe siècle, possible célébration du Traité de Ryswick (1697) qui mit fin à la guerre de Louis XIV contre la Ligue d'Augsbourg. Chanté par les seize instrumentistes et les six chanteurs, séparément puis ensemble, un plain-chant de procession, Aeterna Christi munera (saint Ambroise de Milan, v. 340-397), presque populaire de ton sur bourdon de l'orgue positif et des violes, introduisait l'office. Précédée d'une Prière pour les instruments de Louis Le Prince (1637-1693, Missa « Macula non est in te »), la messe proprement dite était l'une des huit composées par Henri Frémart (1595-1651) : sans doute d'origine picarde, il débuta sa carrière de pédagogue et de compositeur comme maître des enfants de chœur à la cathédrale de Rouen, où il noua des liens étroits avec Jehan Titelouze, occupant par la suite un poste équivalent à Notre-Dame de Paris (Charpentier œuvrant de même à la Sainte-Chapelle). Thomas Van Essen et Les Meslanges ont fait connaître Frémart en regard, précisément, de l'orgue de Titelouze, ainsi à Contrepoints 62 en 2014 (2), en l'absence de messes conservées de Titelouze – entre-temps miraculeusement retrouvées et gravées par les mêmes (3). Frémart composa sa Missa « Eripe me, Domine » en 1643 à des fins pédagogiques, parties instrumentales et vocales recourant au principe du colla parte : musique dense et spacieuse, d'une luxuriance grandement équilibrée, extrêmement valorisante pour les voix, dirigée par Hervé Niquet assis (tout comme les chanteurs), la sobriété du geste allant de pair avec une présence et une netteté confortant les jeunes et remarquables musiciens dans leur compréhension de l'esprit de ce temps.
 
© Mirou

Première intervention de Charpentier, avant le Credo de Frémart : Graduel pour basse, H 361, Sancti Dei, grande page soliste restituée avec vaillance et style par Matthieu Walendzik – les deux autres voix masculines : Lancelot Lamotte (taille) et Paul Figuier (haute-contre), resplendissant en maintes occasions, quand du côté féminin s'imposait par l'ampleur de la voix et l'impact du timbre Margaux Poguet (dessus), secondée par deux bas-dessus : Marion Vergez-Pascal et Flore Royer. Un Offertoire pour les instruments, du Requiem de Pierre Bouteiller (1655-1717), et la Huitième méditation (Stabat Mater, H 387) de Charpentier, pour instruments graves et d'une éloquence aussi passionnée qu'absolument « tenue », entouraient le Sanctus de Frémart. Une soudaine irruption dans l'univers italien enflamma ce théâtre sacré, faisant la part belle aux solistes vocaux en de multiples interventions croisées : grandes Litanies à quatre voix de Paolo Lorenzani (1640-1713), Romain qui vécut dix-sept ans en France et joua un rôle d'importance auprès de Lully. Charpentier célébrant Louis XIV couronnait ce programme et son interprétation, remarquablement conçus et mis en œuvre : Domine Salvum fac Regem H 291, comme il se doit, puis, après l'Ite missa est et entonné par la basse, le Te Deum H 148 (1699), pas le plus célèbre mais d'une enthousiasmante grandeur, qui plus est dans un tel lieu et servi par des musiciens aux promesses déjà formidablement tenues. Pour entendre Hervé Niquet et Le Concert Spirituel dans « le » Te Deum H 146, il faudra donc revenir aux Invalides le 10 mars prochain (4).
 
Michel Roubinet

Paris, cathédrale Saint-Louis-des-Invalides, 12 novembre 2019
saisonmusicale.musee-armee.fr/concert.html#!2019-2020&Musiques-du-Grand-Siecle-
 
(1) saisonmusicale.musee-armee.fr/cycles2019-2020.html
 
(2) www.concertclassic.com/article/festival-contrepoints-62-des-flandres-espagnoles-rameau-et-poulenc-compte-rendu
 
(3) Les Meslanges, Thomas Van Essen, François Ménissier (orgue) :
     Pour une cathédrale, œuvres de Titelouze, Frémart, Aux-Cousteaux, CD Psalmus PSAL 023, 2015
     Les Messes retrouvées de Jehan Titelouze (vol. 1), CD Paraty 918174
 
(4http://saisonmusicale.musee-armee.fr/concert.html#!2019-2020&Te-Deum-de-Charpentier-
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