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Myung-Whun Chung dirige le Requiem de Verdi au Festival de Saint-Denis – Saint-Denis valait bien une messe – Compte-rendu
Annoncé comme étant son dernier à la tête du Philharmonique de Radio France, ce concert dirigé par Myung-Whun Chung restera dans les annales du Festival de Saint Denis. Verdi qu'il a régulièrement défendu pendant les quinze années qui viennent de s’écouler, ne pouvait être absent à l’heure de son départ, c'est pourquoi son choix s'est naturellement porté sur le Requiem.
Cette partition à la fois grandiose et intime, écrasante et diaphane, est sans doute celle qui reflète le mieux la personnalité du maestro coréen, démiurge face aux membres de son orchestre et pourtant si réservé à la ville. Sa direction vibrante et d'une sensibilité extrême décuplée par la puissance des lieux, sert au plus près le regard posé par Verdi sur la religion catholique, lui le grand agnostique. Chung fait preuve d'un immense respect face à cette fresque musicale qui appelle au recueillement, à la recherche de la paix devant la mort, mais où ne cesse de gronder la révolte, martelée par les assauts répétés du Dies irae qui mêle tout ensemble la rage et l'angoisse. Admirable d'élégance, de transparence et de contrôle dans les grands tutti, comme dans les sections chorales ou les soli, d'une beauté ascétique, la battue de Chung allie clarté des plans sonores et allègement de la masse orchestrale au service du plateau vocal, d'un merveilleux équilibre.
Choisi pour sa cohérence et sa complémentarité, ce quatuor admirablement enchâssé dans l'édifice, surprend par sa singularité. Bien qu’assorti, uni aux autres pour composer une fine marqueterie, chaque timbre conserve son individualité. Avec le temps, le baryton-basse Michele Pertusi a gagné en maturité, en rondeur et en autorité, ayant acquis un mordant très appréciable, notamment lors du Confutatis. Le timbre de Charles Castronovo reconnaissable par sa limpidité et ce léger dépôt fuligineux, associé à une élocution solaire appuyée sur de belles nuances, illumine la partie réservée au ténor. Au crédit de la jeune mezzo arménienne Varduhi Abrahamyan, une voix chaude d'une belle couleur sombre, un phrasé onctueux, un instrument posé et une interprétation sans aucun effet, d'une discrète sobriété, aussi juste dans le noir Liber scriptus que dans l'élégiaque Agnus Dei en duo avec la soprano.
Pour son premier Requiem verdien, Patrizia Ciofi a fait preuve d'un courage extraordinaire, relevant brillamment le défi que représente pour une voix comme la sienne, cet ouvrage. Ange venu du ciel, la cantatrice a su transcender la relative fragilité de son instrument, pour traduire les déchirements et les interrogations inhérentes au texte. Comme toujours chez cette combattante d'une absolue rigueur, on admire l'impeccable mise en place, on savoure le degré d'implication et l'humilité face à une telle œuvre, la maîtrise du souffle et la magie des émotions faisant le reste. Mue par une invincible foi, Ciofi brave les difficultés, vainc la tessiture, du grave à l'aigu, semblant s'abandonner, se livrer entièrement pendant le Libera me où l'on retrouve, comme dans ses interprétations de Violetta, Gilda et de la récente Luisa Miller, ce supplément d'âme, cette humanité déchirante, qui sont sa signature : son vertigineux aigu pianissimo sur le mot requiem avant une ultime reprise du Libera me, nous a fait frissonner, balayant les appréhensions que nous avions pu avoir. Bouleversant !
François Lesueur
Saint-Denis – Basilique – 23 juin 2015
Photo © Philippe Gontier - DG
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