Journal
Norma au Théâtre des Champ-Elysées – Reste la musique … - Compte-rendu
« Norma viene » entonne le chœur, alors que retentissent de puissants et solennels accords, et chacun d'entre nous retient son souffle. Dans un instant la Déesse sera là, sous nos yeux, Druidesse sublime et inaccessible, tous drapés dehors, prête à couper le gui sacré sous les rayons d'une lune argentée. Hélas... elle arrive, elle est là, mais en cheveux, mains dans les poches, une « madame tout le monde » vêtue d'un long manteau jeté sur une méchante robe bleue, chaussée de godillots qui en disent long sur le temps passé à sa mise et sur la tonalité du spectacle !...
© Vincent Pontet
Par peur de tomber dans le péplum, Stéphane Braunschweig a réalisé un affreux décor réfrigérant, mi bunker, mi hall d'immeuble, faiblement éclairé, qui assèche le propos, l'apparition d'un lit « baldaquiné » de rouge (qui sert de cachette aux enfants de Norma !), produisant un effet calamiteux. Passons sur le bonsaï, symbole fantasmé d'une forêt lointaine, auquel on substituera sa réplique géante au moment du sacrifice ; Norma n'a décidément pas de chance à Paris après les platitudes de Iannis Kokkos plusieurs fois infligées au public de la Bastille et les inepties visuelles de Peter Mussbach au Châtelet en 2010.
Reste la musique et là, victoire, le but est atteint. Maria Agresta a beau se plier aux volontés de son metteur en scène qui en fait une femme banale, partagée, indécise, qui aime autant qu'elle haït et en premier lieu ses propres enfants qu'elle manque de tuer - « Amo in un punto ed odio i figli miei » dit-elle au second tableau - hésite entre le désir de vengeance et le pardon envers celui qu'elle aime et qui l'a trahie, elle n'en reste pas moins une cantatrice émérite. Sans jamais baisser la garde, son soprano bien timbré, projeté avec assurance sur toute la tessiture, sa ligne moelleuse et sa technique soignée, elle se hisse parmi les titulaires les plus aguerries. Bien plus pertinente dans ce rôle écrasant qu'en Elvira d'I Puritani (Bastille/Pelly 2013), elle s'empare des récitatifs avec un goût et une sûreté notables, dominant les ensembles par sa puissance expressive et ses intuitions musicales Si l'art du glissando et les vocalises précipitées sont perfectibles, on ne peut qu'admirer la performance et souhaiter pouvoir la retrouver dans un contexte scéniquement plus favorable.
Dans son sillage Sonia Ganassi campe une honnête Adalgisa, bien appariée vocalement à sa consœur, notamment dans les deux duos, tout comme l'impétueux et élégant Oroveso de la basse Riccardo Zanellato. La présence envahissante de Marco Berti (Pollione), d'abord gênante, le métal de son large instrument étant plus habitué à s'épanouir dans les arènes plutôt que sur les scènes fermées, s'atténue en cours de soirée, le ténor rétablissant l'ordre au final, plus attentif à nuancer son chant.
A la tête de l'Orchestre de chambre de Paris, Riccardo Frizza dirige avec subtilité, joue avec les couleurs et réveille les contrastes, veillant sur cette délicate matière orchestrale tout en dosant souffle, ampleur et intimité.
François Lesueur
Bellini : Norma – Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 8 décembre, prochaines représentations les 14, 17 et 20 décembre 2015 / www.theatrechampselysees.fr
Photo © Vincent Pontet
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