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Normandie - Compte-rendu : Jeanne d’Arc fait son retour à Rouen
Représenter Giovanna d'Arco à Rouen, ville où la pucelle fut brûlée, ne manque pas de sel. Oeuvre de jeunesse composée en 1845, entre I due Foscari et Alzira, cet opéra de Verdi fait aujourd’hui encore figure de rareté. Inspirée de la pièce de Schiller, Giovanna d'Arco n'a rien d'historique, mais cette héroïne romanesque a inspiré à Verdi une musique pleine de sève, émaillée de riches parties chorales, de moments martiaux, de cabalettes « risorgimentales » et d'ensembles audacieux, dont le trio final qui annonce celui de La Forza del destino.
Pour donner au drame toute sa puissance et ancrer cette page de notre histoire dans une réalité concrète, Stephan Grögler et son équipe ont imaginé un décor à la fois onirique et réaliste, qui tient du champ de bataille et de la forêt saccagée : sol boueux et labouré, cadavres humains et de chevaux, restes de végétation évoquent la rudesse des conditions de vie de l’époque, soldats et paysans évoluant dans cet univers hostile. Sainte ou diablesse ensorcelée, Jeanne la pure, fait figure d'apparition pour Charles VII, qui en tombe immédiatement amoureux, tandis que Jacques, père de cette dernière, l'a conduite au bûcher par de terribles accusations. Après avoir clamé son innocence Jeanne est libérée, retourne au combat sauver son pays et son roi, mais revient blessée mourir dans les bras de son père et de son amant.
Le spectacle, malgré le jeu statique des protagonistes qui ne trouvent pas comment habiter leurs personnages, fonctionne, grâce à des scènes de foules animées, au rythme insufflé au récit et à une succession d'effets scéniques réalisés et éclairés avec soin : pluie battante, coups de tonnerre, averse de neige, brume au crépuscule, jour ensoleillé...
Guylaine Girard - qui incarnait Fiordiligi dans Cosi fan tutte sur ce plateau, il y a peu - se donne avec courage pour affronter la tessiture de Giovanna d'Arco. La voix n'est pas éclatante, les couleurs sont peu variées, mais l'interprète est sensible et éprouve une grande tendresse envers une héroïne tourmentée. Le ténor Jean-François Borras, peut être un brin trop léger pour le rôle, mais au style affirmé et d'une belle éloquence vocale, campe un Roi de France tout à fait crédible, partagé entre la résignation et l'espoir, épris malgré tout de cette étrange Jeanne. Quant à Victor Torres, baryton idéal pour incarner un père exubérant prêt à trahir sa fille avant le pardon, il rend justice au personnage de Jacques.
Leur trio peut compter sur le soutien sans faille du bouillonnant chef Oswald Sallaberger, qui instille à la partition l'énergie et la nervosité qu’elle requiert, mais sait également se montrer précis dans les attaques, limpide dans les ensembles et d'une grande délicatesse dans les moments plus élégiaques, tel le finale « Che mai fu… S’apre il cielo », où l’âme de Jeanne quitte ce triste ce monde.
François Lesueur
Verdi : Giovanna d'Arco, Théâtre des Arts de Rouen, le 10 octobre. Prochaines représentations, les 14, 16 et 18 octobre 2008.
Photo : DR
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